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naître à Dieu par l'Église (29 juin 2007)

— anniversaire de mon ordination —

La fête des deux apôtres Pierre et Paul est très solennelle, non pas seulement aujourd’hui à Louvain-la-Neuve mais dans toute l’Église depuis très longtemps. D’après le calendrier liturgique elle surpasse même le dimanche. Je suis assez fier d’avoir été ordonné prêtre le jour de leur fête, eux qui sont un peu considérés comme les colonnes de l’Église. Et c’est parce que tous les deux ont donné leur vie à Rome par attachement au Christ que l’Église de Rome est devenue celle qui préside à l’unité de tout le peuple de Dieu, qu’elle est l’Église dont l’évêque est pape.

Depuis que je suis né j’ai vécu dans l’Église, et je voudrais aujourd’hui témoigner de tout ce qu’elle m’a apporté. L’Église, s’il fallait en donner une petite définition, c’est ce peuple qui aime Dieu et qui en est heureux au point de faire connaître autour de lui le sujet de sa joie. L’Église, pour moi, ça a d’abord été mes parents, qui m’ont éduqué dans la foi. C’est d’eux que j’ai appris que Dieu est important pour l’homme. Dans ma paroisse, j’ai eu la chance de sentir que les autres chrétiens comptaient sur moi, pour jouer de la musique ou faire la catéchèse de confirmation ; ils ont été déjà l’Église qui comptait sur moi.

De l’Église j’ai commencé à découvrir de très belles choses ; un kot chrétien lors de mes études à Namur, puis la fraternité de Tibériade où on vivait l’évangile sans filtre, et aussi le pèlerinage à Lourdes, l’amitié et le service des malades. J’étais jeune et certains enseignements de l’Église me gênaient, mais pourtant je sentais qu’il y avait du vrai, quelque chose qui valait la peine d’être considéré. Et surtout, je recevais de l’Église, par l’intermédiaire de jeunes croyants, la joie de savoir que Dieu m’aimait. Là où certains aiment opposer l’Église de la base et l’Église hiérarchique, j’ai très tôt senti que tout se tenait : que si je pouvais prier avec les autres étudiants et rencontrer Dieu, c’est qu’une certaine vérité sur Dieu avait été assurée dans la transmission de la foi grâce aux évêques, aux prêtres... disons grâce au magistère. Chacun à son niveau transmettait la foi dont je me mettais à vivre de plus en plus.

Un jour j’avais une telle envie de transmettre à beaucoup de gens la joie de croire en Dieu que j’ai compris que Dieu m’appelait à être prêtre, à être témoin de lui de trois façons : par ce que je dirai, par ce que je donnerai dans l’eucharistie et par la façon dont je vivrai, spécialement le célibat consacré à lui qui prouverait la solidité de Dieu sur qui on peut baser sa vie.

Après le séminaire j’ai été ordonné prêtre et là le lien entre ma foi personnelle et mon insertion dans l’Église a été encore plus fort puisque j’ai mis mes mains dans celles de mon évêque en promettant de vivre dans le respect et l’obéissance envers lui et ses successeurs. Je devenais un « homme d’Église », mais je ne devais pas devenir un homme de la “boutique” : je devais être de tout mon cœur un homme qui joue dans l’Église le rôle que joue toute l’Église, celui de la transmission de la foi, celui de rendre Dieu proche des hommes.

Les premiers moments de cette façon de vivre avec l’Église ont été douloureux. Je me suis appliqué de mon mieux à poursuivre à Paris des études en théologie morale que je n’avais pas choisies. C’est un moment où l’Église n’avait pas pour moi un visage très souriant, mais confusément je sentais que cela tournerait pour mon bien si je restais dans l’obéissance. A Paris s’est déclarée une maladie qui m’a accablé de fatigue pendant 5 ans, la moitié du temps que nous fêtons aujourd’hui. Au long de ces 5 ans la tentation était présente de penser que l’Église demandait trop à ses prêtres. Mais je sentais aussi que ce n’était pas vrai.

Heureusement après les années parisiennes l’Église a été pour moi cette merveilleuse paroisse de Louvain-la-Neuve. Il y a eu l’accueil de vous tous et je voudrais mentionner spécialement l’accueil de Raymond, qui a dû sans trop rouspéter compter dans son équipe un prêtre tout ramolli qui se traînait alors que lui ne pensait qu’à aller de l’avant. Malgré la fatigue ,c’était si gai de travailler avec Helmut et Claire, puis avec Pierre et Luc.

Au milieu de la paroisse j’ai découvert que ce n’était pas que pour mon malheur que mon cher évêque Jean m’avait envoyé étudier la morale. Ces études avaient éveillé en moi une attention pour ce qui motive en profondeur nos actions, les bonnes comme les mauvaises. Je pouvais mieux aider ceux qui venaient me parler, j’avais l’impression de leur proposer de bonnes pistes pour cheminer avec le Seigneur. Je suis très reconnaissant pour ce choix de mon évêque qui a été si difficile pour moi jadis.

Avec vous tous, paroissiens d’alors ou de maintenant, nous avons formé l’Église, pour notre bonheur à chacun. De temps en temps nous nous sommes frottés et accrochés, nous avons dû supporter nos défauts. Comme nous l’avons vécu avec amour, ainsi qu’il se doit dans l’Église, ça nous a fait plus de bien que de tort ; enfin de mon côté en tous cas. C’est dans la paroisse que j’ai le plus appris à être prêtre. J’ai voulu vous apprendre les choses de Dieu que je découvrais dans ma vie et dans la foi de l’Église. Vous m’avez appris comment la foi pouvait féconder notre vie, nous rendre plus courageux ou plus tendres, comment Dieu avait envie de progresser avec chacun et savait prendre chacun comme il était pour le faire avancer à sa manière. Vous m’avez pris dans votre cœur et je vous ai pris dans le mien. On pourrait dire que c’est ça l’Église : des gens qui se prennent dans le cœur l’un de l’autre et par-dessus tout veulent s’aimer. Si nous voulons retrouver un beau visage de l’Église là où nous vivons, nous devons y apporter beaucoup plus de tendresse que de perfection. C’est vraiment ce que j’ai découvert ici. Et ce que j’ai découvert aussi c’est la joie profonde de faire découvrir le message de l’Église, même quand ce message est difficile à entendre. Lorsque je parle avec les fiancés, avec les étudiants, avec les couples, avec les personnes qui souffrent, avec tous finalement, et que j’ai l’occasion de dire le message de l’Église, je me dis si souvent : heureusement que l’Église dit ce qu’elle dit, heureusement que j’ai à offrir aux autres des perspectives si motivantes ! Et ce ne sont pas les miennes, ce sont celles que je reçois de la foi de l’Église.

Alors vraiment je suis si content d’être chrétien avec vous et d’être prêtre pour vous.