coin coin

homélie du mariage de Myriam et Matthieu

(1ier septembre 2007)

(dans le même style, un peu plus récent, voir cette homélie)

Nous allons célébrer un mariage chrétien. Et il n’est pas chrétien d’abord à cause de vous, Myriam et Matthieu, de votre foi... Il est chrétien à cause de ce que l’Église vous propose : c’est elle qui vous offre ce moyen vraiment nouveau pour avancer dans la vie en amoureux, en personnes qui s’aiment. Nous avons entendu la lettre aux Hébreux qui rappelle à ses destinataires le respect envers l’union conjugale. Et il n’y a pas que cette lettre ; on pourrait citer plusieurs passage de saint Paul, et surtout les évangiles, en faveur de ce mariage si surprenant aujourd’hui : le mariage indissoluble, le fait qu’un homme et une femme peuvent se choisir pour toute leur vie et traverser ensemble les moments où ils seront moins attirés l’un par l’autre.

Il y a dans l’Église la conviction qu’un couple gagne à rester uni, beaucoup plus souvent qu’on ne le croit dans notre monde, malgré les difficultés et les insatisfactions que l’on peut rencontrer. Cette conviction repose sur une disposition naturelle de l’amour humain : il serait odieux de dire à quelqu’un : je t’aime pour un moment, tant que cela me convient. Cette conviction repose aussi sur une dimension de foi : l’amour des conjoint n’est pas seulement leur affaire à eux deux, mais il est un témoignage de l’amour de Dieu. L’un pour l’autre, vous serez témoins de l’amour que Dieu vous porte à chacun. Et pour nous tous vous serez témoins de la force de l’amour de Dieu, de la façon dont il s’éprend de nous. Et l’amour de Dieu ne se reprend pas. Même les personnes séparées peuvent continuer à témoigner de cette fidélité de l’amour de Dieu.

Je voudrais donner à tous les couples ici présents trois ingrédients qui me paraissent si importants pour construire un amour qui illumine toute la vie. Le premier, c’est le pardon. Tout au long de votre vie vous aurez à vous pardonner l’un à l’autre. Sur la terre, il n’y a pas d’amour parfait, irréprochable. L’amour que l’on s’échange sur terre est un amour à pardon, comme il y a les moteurs à essence. Notez que pardonner, ce n’est pas excuser ; on peut très bien pardonner à quelqu’un qui est inexcusable. Parce que pardonner n’est pas dire : je te comprends, je vais essayer d’oublier... Pardonner, c’est dire à l’autre : même si tu m’as fait si mal, je veux t’aimer par-delà ce que tu m’as fait, je ne veux pas que ta mauvaise action limite mon amour. Pardonner, c’est faire remporter une victoire à l’amour.

Cela suppose, ce sera mon deuxième point, que l’amour ne repose pas seulement sur le sentiment mais aussi sur la volonté. On ne le sait plus dans notre monde, on croit que l’amour dure tant que dure le sentiment. Mais non, l’amour est aussi choix, décision. Dans un couple il arrive des moments où le sentiment n’est plus au rendez-vous. Mais on peut encore choisir d’ouvrir son cœur à l’autre, de le prendre dans son cœur, de vouloir lui être uni. Non par nécessité, non par peur d’être seul, non par soumission, mais par choix. Lorsqu’on fait cela, un sentiment nouveau commence à naître, plus profond, un attachement qui donne davantage la vie.

Et puis, en troisième lieu, je vous propose de vivre souvent la reconnaissance, le merci. Il n’y a rien qui fait grandir plus l’amour que la reconnaissance, comme il n’y a rien qui l’abîme plus que l’ingratitude. Passez du temps à vous émerveiller de ce que l’autre est et de ce qu’il fait pour vous. Et même lorsqu’il sera souffrant et tout abîmé, portez encore sur lui ce regard d’émerveillement qui le réchauffera et qui est celui de Dieu sur chacun de nous. La première chose dont vous pouvez être reconnaissant, c’est que l’autre ait bien voulu partager votre vie. Dites-lui souvent merci d’être là, à vos côtés. Ne vous habituez jamais à cela. Et dites-lui merci pour tant de choses. Je connais un couple âgé où le mari, à la fin de chaque repas, se lève pour déposer sur le front de son épouse un tendre baiser, en lui disant merci pour le repas qu’elle a préparé. Ça change bien des maris ou des épouses qui estiment que tout leur est dû ! A chacun de trouver les gestes, les occasions nombreuses pour dire à l’autre « merci ». C’est ainsi que votre amour grandira ou se réveillera. La lettre aux Hébreux disait : contentez-vous de ce que vous avez ! Cela pourrait être assez rabat-joie comme conseil ; mais il faut le relire en quelque sorte étymologiquement : soyez contents de ce que vous avez ! « Je suis content, je suis content que tu sois ma femme, que tu sois mon mari » ! Ah, si vous pouviez vous le dire souvent, même quand il y a une femme ou un homme qui paraît plus agréable un peu plus loin !

Je n’ai encore rien dit de l’évangile. Ce sera ma conclusion. Le Seigneur nous invite à lui faire confiance, car il veille sur nous même pour les choses matérielles. S’il nous appelle à vivre ainsi, ce n’est pas pour que nous soyons paresseux ou profiteurs, mais pour que notre cœur ne soit pas accablé de soucis et qu’il soit libre pour aimer. Si nous laissons Dieu s’occuper de nous, nous aurons le cœur libre pour nous occuper de ceux que Dieu nous montre, car c’est aussi par d’autres qu’il s’occupe de nous. C’est une économie révolutionnaire que le Christ nous propose. Et vous qui avez compté sur bien des maisons pour vous accueillir dans vos pérégrinations — ah comme j’étais heureux de vous voir débarquer, même quand vous vous annonciez le matin même ! — vous vous disposez aussi à vivre l’hospitalité et la compassion là où Dieu vous donnera de vous poser. Ce faisant, vous vivrez vraiment votre vocation de foyer. Car un foyer est un feu où on vient se réchauffer : vos enfants d’abord, et pour eux votre amour mutuel sera leur biotope. Et puis tous ceux qui chercheront auprès de vous un réconfort, les blessés de l’amour, ceux qui n’ont pas reçu l’amour fidèle sur lequel ils comptaient. L’hospitalité a permis à certains de recevoir chez eux des anges...