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ouvrir son cœur au pauvre

30 septembre 2007

Le pauvre Lazare et le riche anonyme vivaient dans des mondes parallèles. De temps en temps sans doute le riche voyait Lazare, mais rien ne le poussait à faire attention à lui. Et puis vient la mort, devant laquelle il n’y a plus ni riche ni pauvre. Et quand Lazare et le riche sont mis à égalité, ne pouvant plus mettre leur assurance dans des biens extérieurs mais seulement dans ce qu’ils ont été en eux-mêmes, il apparaît que c’est le riche qui a besoin de Lazare. Et il n’est pas dit que Lazare en veut au riche et le laisse par vengeance dans sa misère spirituelle. Simplement, Abraham explique que c’est impossible de remédier à cela. Comme disait Jésus, celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il croit avoir (Lc 8,18 entendu ce lundi). Dans la vie éternelle, le riche qui arrive le cœur vide se retrouve maintenant avec moins que rien.

Nous qui jouissons des biens de la terre, c’est important que nous nous demandions si nous ne sommes pas dans la situation du riche qui a un pauvre à sa porte, car ce riche en proie à la désolation intérieure voulait que nous soyons avertis de ne pas agir comme lui.

Je ne crois pas que Jésus nous invite à interchanger nos situations, à devenir misérable car il y a des misérables dans notre monde, à ne plus dormir car nous avons mangé à notre faim quand d’autres sont mort de faim aujourd’hui. Mais sûrement Jésus nous invite à nous méfier des mécanismes qui nous empêchent d’ouvrir notre cœur aux pauvres.

Le premier mécanisme pervers est le dogme moderne de la propriété privée, qui est un mensonge aux yeux de Dieu. Dire « je fais ce que je veux de l’argent que j’ai gagné ou dont j’ai hérité et je n’ai de compte à rendre à personne », cela est un mensonge. Bien sûr que nous aurons des comptes à rendre devant les pauvres sur ce que nous aurons fait des biens qui nous ont été confiés. Les biens que je possède sont des biens qui m’ont été confiés par le Créateur du monde, par le Père de tous les hommes, et s’il m’a confié ces biens, son argent, c’est pour que j’exerce en son nom une paternité généreuse envers tous. Non pas du paternalisme, mais une responsabilité envers tous, d’autant plus grande que j’ai reçu de grands biens.

Quand je reçois des bulletins de versement de l’une ou l’autre association d’entraide, quand quelqu’un sonne à ma porte pour demander de l’aide, je me dis d’abord : encore un qui en veut à mon argent ! Je ferais mieux de me dire : comment allons-nous utiliser au mieux cet argent qui est le nôtre ? Des lectures d’aujourd’hui, nous pouvons conclure qu’il n’y a pas de place pour le luxe dans la vie du croyant. Si nous voulons nous faire plaisir, donnons largement ! Ce que nous croyons être à nous n’est pas à nous : nous en sommes les gestionnaires en faveur des enfants de Dieu... dont nous sommes.

Un autre mécanisme qui nous empêche d’ouvrir notre cœur au pauvre est de justifier sa pauvreté par sa paresse et mon aisance par mon courage. « Moi, je sais me lever le matin pour aller travailler, et quand il s’agissait d’étudier je ne passais pas tout mon temps à guindailler... » Bien sûr, il y a des gens qui sont pauvres parce qu’ils sont paresseux et d’autres qui profitent du système. Mais pas tous, loin de là ! Et si nous craignons que notre argent soit mal employé, soutenons des associations fiables, il y en a (d’ailleurs il paraît que les chrétiens y sont sur-représentés parmi les donateurs...)

Un troisième mécanisme que nous pourrions activer pour tenir le pauvre à distance, surtout dans notre monde surinformé, consiste à dire que je ne peux quand-même pas remédier à toute la misère du monde. C’est clair, il y en a d’autres qui peuvent faire plus que moi, mais j’ai ma part à réaliser. Si je ne peux pas nourrir tous les hommes, que j’en aide au moins un ! Quant à la somme d’information qui m’est accessible, je peux aussi l’utiliser pour aborder tel ou tel problème de pauvreté, me documenter avant d’agir à propos des enfants des rues de Kinshasa ou de la situation des sans-papiers en Belgique.

Je ne vous dit pas tout cela de la part du Seigneur pour vous donner mauvaise conscience (il faut se méfier des “pauvres” qui nous abordent par la mauvaise conscience) : le Seigneur ne nous demande pas d’être gênés devant les pauvres ni de répondre à toutes leurs demandes, mais il nous exhorte à les aimer, à leur ouvrir notre cœur, à être sensible à leurs besoins comme si c’étaient les nôtres. Ayons un amour actif. Notre cœur est capable de plus de générosité que nous ne croyons. Et finalement, ce ne serait même que justice d’agir ainsi.

Documents
  • Sur la destination universelle des biens
Paul VI, Populorum progressio, encyclique, 1967
Le catéchisme de l'Église catholique
destination universelle et propriété privée (Jean-Yves Naudet)
et sur le site de Ichtus, une association bien française
  • Le chrétien, l’ami des pauvres
Andrea Riccardi, à Bruxelles-Toussaint 2006