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Seul l’amour transforme vraiment (Saint-François)

homélie de la Saint-François, messe des étudiants

Pourquoi a-t-on choisi ces lectures pour la fête de saint François ? A première vue ça aurait été plus judicieux de choisir les disciples partant sans argent ni manteau de rechange (Mt 10)

Mais il y a ce chant de louange de Jésus : Père, je te bénis ! Et souvent François a béni Dieu. Il a aimé sortir de ses préoccupations quotidiennes pour chanter la beauté de Dieu et de la création. La louange de François envers Dieu est devenue capable d’accueillir de plus en plus les contrariétés de la vie (cf. le Cantique des créatures, auquel il ajoute la strophe sur la mort : loué sois-tu mon Seigneur pour notre sœur la mort).

Jésus loue son Père parce qu’il a révélé aux tout-petits ce qui était inaccessible aux sages et aux intelligents. Et toute sa vie François a lutté pour être tout-petit, pour ne pas vivre comme quelqu’un d’admiré comme un sage, quelqu’un qui mettrait sa confiance dans ses capacités intérieures et qu’on vénèrerait pour ces capacités. François a été champion de la pauvreté et de l’humilité, disant à ses frères : « nous ne devons être ni sages ni intelligents selon le monde ; mais nous devons plutôt être simples, humbles et purs » (lettre à tous les fidèles). Pour lui, c’était le moyen sûr de connaître Dieu et de vivre en sa présence.

Dans sa lettre aux Galates, saint Paul dit qu’il est passionné par la croix du Christ, et saint François lui-même était profondément marqué par l’amour dont le Christ témoigne pour nous en mourant sur la croix. Il lui arrivait d’ailleurs, quand il voyait peu d’attention pour le Christ autour de lui, de s’exclamer « l’amour n’est pas aimé ! » Un jour, tellement passionné pour le Christ, il recevra de lui les marques de sa passion, comme un témoignage de communion, un gage d’union, d’intimité : ce sont les fameux stigmates.

Nous comprenons mieux maintenant le choix des lectures de ce jour ; et finalement nous pourrions dire que François a pris sur lui le joug de Jésus et qu’il l’a trouvé léger et facile à porter. François peinait sous le poids du fardeau, comprenez : le poids de la richesse, d’une vie facile où tout lui souriait... Un fardeau, cela ? N’est-ce pas un peu ce que nous souhaiterions tous ? Pourtant François découvrira que cette vie amusante et distrayante était un fardeau car elle était vide ; il n’y a rien de plus lourd qu’une vie vide. Heureusement, François a trouvé à se mettre à l’école du Christ, c’est-à-dire qu’il s’est mis à aimer. Et l’amour lui a fait faire des prouesses qu’aucune force n’aurait permis.

L’amour a été le dynamisme qui a permis à François d’embrasser un lépreux dans la plaine d’Assise. C’est cela le joug du Christ, embrasser un lépreux alors qu’on éprouve une grande répugnance pour lui. Notez bien, embrasser un lépreux, pour François, ce n’était pas embrasser un lépreux pour quelqu’un qui se sent naturellement porté à secourir toutes les misères du monde. C’était embrasser un lépreux pour quelqu’un qui n’avait jusque là juré que par la beauté, la santé et tout ce qui était éclatant en matière de vêtements, d’apparence, de fête. C’était seulement la force de l’amour qui le conduisait vers le lépreux, c’était ce mouvement extraordinaire de sortie de soi et de ses habitudes en faveur d’un autre.

Choisir l’humilité, pour François, c’était vraiment prendre le joug du Christ, non pas suivre un penchant naturel. Il y en a pour qui l’humilité n’est pas une grâce spéciale : déjà ils n’ont jamais aimé briller ; être mis en avant, ils détestent ; c’est tout juste s’ils ne sabotent pas leurs réussites pour ne pas paraître au-dessus des autres. A eux, le Seigneur veut peut-être davantage donner une grâce d’assurance et d’audace : être audacieux comme le Christ... Mais à François, l’assurance et l’audace étaient naturelles, et le Christ voulait lui offrir autre chose. Le fardeau léger, ce serait l’humilité, qui ne pouvait lui venir que par amour du Christ humble et pauvre. Imaginez : choisir d’être le plus petit, pour le fils d’un des hommes les plus riches de la ville, et qui a aimé cette position. C’était une prouesse d’amour... Et par contre, si nous sommes naturellement austère, et que nous avons l’impression que le Seigneur nous pousse à être encore plus austère, il faut se méfier : nous sommes peut-être le jouet de nous-mêmes, nous ne faisons peut-être pas une prouesse d’amour...

A nous tous, le Seigneur offre un fardeau léger, que nous prenons en devenant ses disciples. Il sera léger car nous le porterons par amour, et non pas soumis à une quelconque loi de notre être. Pour certains ce sera d’être plus réservés, pour d’autres, de sortir davantage de leur réserve. Pour certains, de devenir plus actif, ou plus contemplatif ; plus entreprenant, ou plus prudent ; plus chaste, ou plus fier d’être le garçon ou la fille que l’on est ; plus porté sur la fête, ou plus intérieur. Prenons un petit temps de silence pour demander au Seigneur ce fardeau qui vient de lui, que nous porterons en l’aimant, et qui transformera notre être à la manière de celui de saint François, le riche et fier jeune homme devenu par amour l’humble et pauvre frère mineur.