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Reviens ! homélie du mercredi des Cendres

carême 2008

Aujourd’hui nous entendons le Seigneur appeler : revenez à moi ! (Jl 2,12) Lorsqu’on crie à quelqu’un « reviens », il y a toujours un ton de supplication, c’est-à-dire le ton de la personne qui est attachée à celui qui part et qui le supplie de revenir à elle. Nous le sentons bien aussi dans la lettre de saint Paul : au nom du Christ nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu ! (2Co 5,20)

Laissons-nous toucher par cette idée : Dieu nous supplie de revenir à lui. La relation que nous pouvons avoir avec lui compte tellement pour lui qu’il nous crie : reviens à moi !

Revenir, cela signifie que nous sommes partis. Pourtant nous n’avons pas toujours l’impression d’être partis. Mais pour Dieu qui est si sensible à notre amour, il suffit déjà que nous ne soyons pas là de tout notre cœur. C’est comme dans un couple : on peut, sans être parti, ne plus être avec l’autre de tout notre cœur, et garder un lien qui n’est plus vraiment une union mais une sorte de vivre ensemble où on essaie simplement de se rendre de petits services à l’occasion. L’amour alors est abîmé et doit être réparé. Dans un couple, pour que les conjoints vivent de leur amour mutuel, il faut le raviver.

Dans notre vie de foi c’est la même chose. Peut-être avons-nous pris un chemin qui nous éloigne sérieusement de Dieu, et c’est le moment de revenir sérieusement. Mais peut-être ne sommes-nous pas vraiment partis. Simplement, nous ne sommes avec Dieu que du bout de notre cœur, par un petit morceau de notre vie... C’est le moment de revenir à lui de tout notre cœur. Voici un moment exceptionnel pour réveiller notre amour du Seigneur, et que cet amour entre lui et nous nous porte davantage, qu’il soit vraiment quelque chose de vivant et de lumineux en nous.

Pour réveiller notre amour nous ferons des efforts. Car il n’y a pas d’amour sans actes qui montrent l’amour ; et faire des actes d’amour, cela ne bénéficie pas seulement à celui en faveur de qui ils sont fait, mais à nous aussi qui les faisons et sentons notre cœur se dilater par le fait même. Dans l’Évangile, le Christ nous propose aujourd’hui trois actes d’amour : donner, prier, jeûner (Mt 6). Et il insiste pour que cela soit fait dans le secret de notre cœur, et non pas en public. Car ces actes d’amour, on pourrait aussi les faire pour la vaine gloire, pour ce que les autres penseront de nous, pour la bonne estime que nous en récolterons. Alors Jésus nous parle du Père qui voit dans le secret ; c’est là que se passe l’amour, dans le secret du cœur, ce cœur dont nous sommes seuls à posséder la clef.

Pour terminer, j’aimerais passer en revue les trois actes que Jésus nous propose.

Celui qui donne généreusement voit son cœur s’agrandir, je n’ai pas besoin de faire un dessin pour vous l’expliquer : essayez ! Le carême est sûrement un temps pour être spécialement généreux.

Quant à la prière, Jésus suggère dans l’évangile qu’elle est l’ouverture à quelqu’un qui est présent : « ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ». Notre prière du carême peut être un acte d’amour si elle est attention à la présence de Dieu. Prier, cela pourrait même simplement consister à prendre un moment pour être avec le Seigneur, s’efforcer d’être présent à lui qui est présent. Une prière qui dirait seulement à Dieu : je suis là pour toi, je suis venu pour être avec toi.

Enfin il y a le jeûne. Habituellement on présente le jeûne de nourriture comme un geste de partage : cela nous permet de partager avec ceux qui n’ont rien. C’est peut-être une des significations du jeûne, mais pas la principale. Jésus va donner au jeûne le sens d’une attente, de l’attente de quelqu’un. Aux disciples de Jean-Baptiste qui viennent se plaindre que les disciples de Jésus ne jeûnent pas (Mt 9,14), celui-ci répond qu’ils jeûneront plus tard, quand l’Époux leur aura été enlevé. Le jeûne chrétien consiste à se dire à soi-même, et à tout son corps aussi : il y a quelqu’un qui me manque, et je refuse d’être satisfait tant que le Christ me manquera ainsi. Nous pouvons ainsi jeûner parce que le Christ nous manque, ou bien pour qu’il nous manque davantage, ce qui serait le signe que nous nous attachons plus à lui.

On dit qu’on peut jeûner de beaucoup d’autres choses que de nourriture ; c’est vrai, mais il ne faudrait pas passer trop facilement à côté de ce jeûne de nourriture. Et tous les renoncements que nous nous imposerons, de télévision, d’ordinateur, de guindaille, de tabac et d’autres plaisirs, qu’ils soient toujours en vue de refuser d’être satisfait. Ce n’est pas pour payer quelque faute que nous renonçons à un bien légitime, mais pour que notre cœur ait soif et faim de la Parole de Dieu, de la présence et de l’amour du Christ.

Bon carême ! C’est un beau temps qui peut réveiller l’amour.