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Quelle résurrection? Lazare et nous...

homélie du 5ième dimanche de carême

Au long des évangiles de ce carême nous voyons Jésus affronter des difficultés humaines, des impasses de plus en plus grandes. C’était, avec la Samaritaine, le fait d’être momentanément égaré, de ne plus avoir un cadre de vie juste (elle avait eu six hommes, elle ne savait pas bien où adorer Dieu, elle ne savait pas comment étancher sa soif). C’était, avec l’aveugle né, le fait d’être blessé depuis le début par une infirmité, de n’avoir jamais eu la joie de voir la lumière, et d’être coupé de relations sociales. Maintenant, Jésus s’affronte à la mort, à la mort corporelle, à la fin de la vie terrestre, avec tout le déchirement que cela comporte. Mais Lazare revenu à la vie devra à nouveau mourir, lorsqu’une autre maladie ou la vieillesse l’emportera. Bientôt Jésus s’affrontera à la mort éternelle, à la mort de l’âme, pour restaurer le lien vivant qui existe entre l’homme et Dieu. Ce sera à travers sa Passion, lorsqu’il fera l’expérience d’être coupé de Dieu, lorsqu’il prendra sur lui l’état de celui qui refuse Dieu, lui la Source qui comble nos soifs, la Lumière qui illumine nos cœurs, la Vie qui porte notre être.

Nous remarquons une gradation, qui se passe dans le temps aussi. Les évangiles des dimanches de carême sont placés chronologiquement. Comme si Jésus allait de plus en plus profondément dans sa mission.

Il y a une pédagogie divine, qui veut souligner pour nous quelque chose. Car s’il est évident que c’est plus grand de faire voir un aveugle de naissance que de toucher le cœur d’une Samaritaine, que c’est plus grand de ressusciter un mort que de faire voir un aveugle, ce n’est pas évident pour nous que c’est plus grand d’accéder à la vie éternelle que de revenir à cette vie-ci.

Il est bon, dans un premier temps, que nous estimions qu’il vaut mieux ne pas mourir ou revenir à cette vie que de mourir pour ressusciter à la vie éternelle. Cela nous évite quelques bondieuseries, quelques ingratitudes envers Dieu aussi à propos de la vie sur la terre. Mais dans un deuxième temps il est bon d’élargir notre vue, pour ne pas trouver si enviable que cela le sort de Lazare. Car si Jésus le ramène à cette vie, ce n’est pas pour consoler Marthe et Marie, mais pour que « Dieu soit glorifié » (Jn 11,4), que l’on croie que Jésus est la résurrection et la vie, et que tout homme qui croit en lui, même s’il meurt, vivra (11,25). Jésus ressuscite Lazare pour que l’on sache que celui qui sera bientôt mis à mort possède les clefs de la vie et de la mort, domine sur ce qui paraît le plus inéluctable à l’homme.

Jésus fait du bien à Lazare et à sa famille, mais il ne fait que différer le problème. Le plus grand bien qu’il fait, c’est de se révéler comme le Maître en qui on a raison de mettre sa foi. A tout homme confronté à ses impasses, Jésus redit aujourd’hui : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. »

Et l’appel de Jésus à Lazare retentit à nos propres oreilles aujourd’hui : viens dehors ! Ouvre-toi dans la confiance ! Sors de tes tombeaux de résignation. Un avenir fécond et lumineux s’ouvre devant toi.