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Homélie du mariage de Julie et Quentin : bâtir sur le roc

Quentin et Julie, vous voulez être des gens qui construisent leur vie sur le roc, pour pouvoir affronter tous les périls de la vie en sachant ce que vous cherchez au fond de vous-mêmes et sur quoi vous appuyer.

On pourrait dire bien des choses à propos de ce roc sur lequel vous voulez construire votre maison. J’en retiendrai trois : il est d’abord vos dispositions spontanées, naturelles ; il est ce que Dieu vous offre ; il est ce que vous choisirez.

I. Ce roc, c’est votre disposition à aimer toujours. Le cœur humain est fait pour ça. C’est une disposition naturelle et il serait odieux de dire à quelqu’un : je t’aime pour un moment, tant que cela me convient. Agir ainsi serait aller contre quelque chose de très précieux en nous. L’amour est un engagement de la personne, bien au-delà de l’utilité.

II. Ce roc c’est aussi ce que Dieu vous offre, ce sacrement de mariage. Un sacrement, c’est une action de Dieu. L’action de Dieu ici est double. La première, on y pense plus souvent : c’est que Dieu s’engage envers vous, il s’engage à soutenir votre amour. L’aventure de votre cœur lui est très chère, il veut veiller dessus, et la sauver. Votre amour a en effet besoin aussi d’être sauvé, et vous remarquerez que parfois votre capacité d’aimer est un peu malade, que vos blessures ou de la mauvaise volonté ne vous ont pas fait aimer l’autre comme il aurait fallu. Pensez que Dieu vous sauve, que vous n’êtes pas obligé de répéter toujours les mêmes échecs.

La seconde action de Dieu, on le dit moins, c’est de vous rendre témoins de son amour à lui. Par le mariage, votre amour n’est plus simplement votre affaire à vous deux, il devient un élément important de la vie de l’Église et de tout croyant. L’un pour l’autre, vous serez témoins de l’amour que Dieu vous porte à chacun. Et pour nous tous vous serez témoins de la force de l’amour de Dieu, de la façon dont il s’éprend de nous passionnément. Pour vos enfants spécialement, vous serez les premiers ambassadeurs du cœur de Dieu. C’est sûrement à cause de cette représentation de l’amour de Dieu que Jésus a voulu le mariage indissoluble. Car l’amour de Dieu ne se reprend pas. Et l’Église n’a pas encore trouvé de moyen de faire cesser un mariage qui aurait été valide. Ainsi, même les personnes séparées peuvent continuer à témoigner de cette fidélité de l’amour de Dieu.

III. Revenons au roc. Il est votre disposition à aimer toujours, il est le sacrement de mariage que Dieu vous donne. Il est aussi les choix que vous êtes prêts à faire. Choix, décision... Pourquoi parler de cela ? Parce que l’amour ne repose pas seulement sur le sentiment mais aussi sur la volonté. On ne le sait plus dans notre monde, on croit que l’amour dure tant que dure le sentiment. Mais non, l’amour est aussi choix, décision. Dans un couple il arrive des moments où le sentiment n’est plus au rendez-vous. Mais on peut encore choisir d’ouvrir son cœur à l’autre, de le prendre dans son cœur, de vouloir lui être uni. Non par nécessité, non par peur d’être seul, non par soumission, mais par choix. Lorsqu’on fait cela, un sentiment nouveau commence à naître, plus profond, un attachement qui donne davantage la vie. Ainsi je vous demande de choisir de vous aimer, quels que soient vos états d’âme.

Ce choix d’aimer, il y a un moment où il est spécialement fort, c’est le jour où nous avons à pardonner à notre conjoint une attitude, une parole, une réaction ou un silence... Tout au long de votre vie vous aurez à vous pardonner l’un à l’autre. Sur la terre, il n’y a pas d’amour parfait, irréprochable. L’amour que l’on s’échange sur terre est un amour à pardon, comme il y a les moteurs à essence. Notez que pardonner, ce n’est pas excuser ; on peut très bien pardonner à quelqu’un qui est inexcusable. Parce que pardonner n’est pas dire : je te comprends, je vais essayer d’oublier... Pardonner, c’est dire à l’autre : même si tu m’as fait si mal, je veux t’aimer par-delà ce que tu m’as fait, je ne veux pas que ta mauvaise action limite mon amour. Pardonner, c’est faire remporter une victoire à l’amour.

Un autre grand moment où on fait le choix d’aimer, c’est lorsqu’on s’engage délibérément dans la voie de la reconnaissance, du merci. Il n’y a rien qui fait grandir plus l’amour que la reconnaissance, comme il n’y a rien qui l’abîme plus que l’ingratitude. Passez du temps à vous émerveiller de ce que l’autre est et de ce qu’il fait pour vous. Arrêtez-vous, n’entrez pas dans la routine, choisissez de vous émerveiller de l’autre. Et même lorsqu’il sera souffrant et tout abîmé, portez encore sur lui ce regard d’émerveillement qui le réchauffera et qui est celui de Dieu sur chacun de nous.

La première chose dont vous pouvez être reconnaissant, c’est que l’autre ait bien voulu partager votre vie. Dites-lui souvent merci d’être là, à vos côtés. Ne vous habituez jamais à cela. Et dites-lui merci pour tant de choses. Je connais un couple âgé où le mari, à la fin de chaque repas, se lève pour déposer sur le front de son épouse un tendre baiser, en lui disant merci pour le repas qu’elle a préparé. Ça change bien des maris ou des épouses qui estiment que tout leur est dû ! A chacun de trouver les gestes, les occasions nombreuses pour dire à l’autre « merci ». C’est ainsi que votre amour grandira ou se réveillera. Choisissez d’être contents l’un de l’autre : « je suis content que tu sois ma femme — je suis content que tu sois mon mari » ! Ah, si vous pouviez vous le dire souvent, même quand il y a une femme ou un homme qui paraît plus agréable un peu plus loin !

Si vous prenez ce chemin, en vous appuyant sur Dieu, en choisissant d’aimer, dans le pardon et la reconnaissance, alors vous aimerez en acte et en vérité. Alors vous ferez vraiment ce pour quoi vous existez : construire dans la fidélité un amour de plus en plus grand.