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Le geste que nous sommes seul à pouvoir faire

homélie du 10 août 2008

Il nous arrive de crier vers Dieu dans la détresse, soit à cause d’un événement pénible qui nous arrive, soit à cause d’un état d’âme douloureux. La démarche que font Élie au mont Sinaï et les apôtres au milieu du lac de Tibériade nous instruit sur la rencontre de Dieu dans ces moments-là.

Élie, qui avait connu une manifestation éclatante de Dieu en sa faveur, arrive à l’Horeb avec une grande plainte au cœur. Il avait même eu l’intention de se laisser mourir de faim dans le désert ; et quand il décrit sa situation, il noircit encore le tableau : je suis resté seul à te servir ! (1Rois 19,10) Les apôtres, quant à eux, sont aux milieu des difficultés de la mer démontée, ils ne pensent plus à Jésus resté sans barque sur le rivage qu’ils ont quitté. Ils ne se souviennent plus. Élie comme les apôtres ont perdu le contact avec la réalité de ce que Dieu a déjà fait pour eux.

L’épreuve nous centre sur nous-mêmes et nous fait perdre contact avec la réalité du monde et de la présence de Dieu. Spontanément, nous accordons une importance démesurée à nos problèmes. Nous ne voyons plus que notre mal ; nous serions même près de dire : qu’importe si le reste du monde continue à tourner, puisque je me sens mal, puisque je souffre !

Élie, comme les apôtres, devront vivre un décentrement d’eux-mêmes, il devront accepter de tourner leur regard vers Dieu, vers Dieu qui ne vient pas comme ils l’avaient prévu. Élie, le spécialiste en manifestations grandioses de Dieu, devra accepter que Dieu ne soit pas dans l’ouragan qui fendait les montagnes, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans le bruit d’un souffle léger. Élie accepte cela, en sortant de sa caverne, en se tenant enfin devant le Seigneur.

Les apôtres ont encore plus de mal, car ils sont tellement concentrés sur eux-mêmes que lorsque Jésus vient, ils le prennent pour un fantôme, une réalité ennemie, à qui il est hors de question d’ouvrir son cœur. Jésus devra les apprivoiser, d’abord par sa parole : confiance, c’est moi ! Puis par son appel : viens à ma rencontre ! Puis en saisissant Pierre qui se met à couler.

Au long de ces récits, nous voyons les pas que Dieu fait vers chacun, et qui doivent être accompagnés des pas que chacun fait vers Dieu. Dans la détresse, il est primordial que nous choisissions de nous décentrer de nous-mêmes pour nous ouvrir à Dieu qui vient à nous. C’est spécialement difficile dans les situations douloureuses, mais c’est le pas qui doit venir de nous, que Dieu ne peut pas faire à notre place. Comme on dit parfois : la porte de notre cœur ne s’ouvre que de l’intérieur.

Encore un mot, si nous pensons que c’est trop difficile de nous décentrer de nous-mêmes pour nous ouvrir à Dieu : Dieu fait que ce décentrement puisse être progressif, il n’attend pas que nous soyons tout ouvert à lui pour nous sauver. Ainsi, Pierre est encore très accaparé par ce qui lui fait peur quand Jésus l’invite à marcher à sa rencontre. Ce qui est important c’est que nous choisissions de ne plus nous regarder nous-mêmes et ce qui nous pèse, et que nous choisissions de fixer notre regard vers la réalité bien plus grande que notre détresse : le Dieu qui a créé le monde est là, à la porte de mon cœur.

Un mot pour finir, du début de l’évangile. Quand Jésus eut renvoyé les foules, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. (Mt 14,23) Prenons du temps pour contempler Jésus à la recherche de son Père. Après un grand événement, un tournant dans sa mission, la multiplication des pains, Jésus s’unit à son Père à l’écart dans le silence. Quand il nous parle du Père, ce n’est pas des paroles théoriques, c’est une personne vivante qu’il recherche sans cesse. Alors, allons nous mettre tout près de Jésus qui prie son Père dans le secret, et à force de le regarder faire, imitons-le.