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La promesse de ne pas se fourvoyer

homélie du 24 août

La promesse de ne pas se fourvoyer

homélie du 24 août

Nous voyons à l’œuvre la puissance de la mort dans le monde ; je pense à la façon dont l’amour humain est banalisé, réduit à des recherches égoïstes de plaisir ; à la façon dont les divisions entre les peuples sont attisées pour les dresser les uns contre les autres ; à la corruption et aux malversations de toutes sortes ; au brouillard de plus en plus dense qui est distillé dans les consciences à propos de la valeur de la vie ; aux progrès du spiritisme, de l’occultisme et de la voyance ; et j’en passe. Je dois dire aussi, à mon grand regret, que nous voyons à l’œuvre la puissance de la mort dans l’Église. Vous connaissez bien le scandale des prêtres pédophiles, que les médias ne cessent de relever. Mais il y a aussi toutes les luttes entre prêtres ou entre laïcs et prêtres introduites par l’orgueil ou le mépris ; la façon dont certains utilisent leur position pour briller aux yeux des hommes ; la méfiance distillée même par des prêtres envers le contenu de la foi reçue des apôtres ; l’abandon de la prière, sans parler de ma paresse quotidienne... Dans l’histoire aussi nous pourrions relever de nombreux agissements mauvais de papes, d’évêques, de religieuses et autres chrétiens.

Nous voyons partout la puissance de la mort à l’œuvre, et pourtant nous voulons vivre, nous sommes faits pour la vie, pour la lumière et l’espérance ! Et ce désir de vie et de bonté reçoit de Dieu une promesse : la puissance de la mort ne l’emportera pas contre mon Église.

En regardant l’histoire, je suis frappé de constater que malgré les erreurs ou les décisions douteuses qui émaillent les siècles, l’Église catholique n’a cessé de progresser et d’apporter la connaissance du Christ à des millions et des milliards de personnes. Et même si certains papes étaient des contrexemples de vie chrétienne, spécialement à la Renaissance, ils n’ont pas abîmé le dépôt de la foi bien qu’ils aient été source de scandale.

Nous qui voulons marcher dans la lumière, il y a une confiance que nous pouvons apporter à l’Église à cause de cette promesse de Jésus de la guider et de ne pas laisser les ténèbres dominer sur elle.

Jésus souligne bien que la connaissance de foi que Pierre a à propos de son identité de Fils de Dieu, « ce n’est pas la chair et le sang, mais le Père qui lui a révélé cela » (Mt 16,17). L’expression « la chair et le sang » désigne ce qui est naturel, propre à l’homme (hors de toute qualification morale positive ou négative). Jésus dirait en quelque sorte : ce n’est pas par des moyens humains que tu connais la vérité sur ce que je suis. Tu le connais par un moyen surnaturel, par l’inspiration du Saint-Esprit qui te l’a fait percevoir.

Dans la ligne de cette déclaration de Jésus, nous croyons que le Père continue de guider son Église par son Esprit, au-delà des moyens naturels et humains de connaissance et de décision. Cela se fait au moyen des charismes. Dans l’Église catholique charismes et ministères ont été très vite liés, et on n’aura pas de honte à parler du charisme d’évêque ou de pape, et pas seulement des charismes de prophète, d’enseignant ou de celui qui fait des guérisons — ces derniers charismes, d’ailleurs, ont été bien oublié dans l’Église des derniers siècles, hormis sans doute chez les saints.

Dans cette déclaration de Jésus de fonder son Église sur Pierre nous discernons la naissance d’un charisme particulier : celui de présider à toute l’Église dans son universalité. Plus tard on parlera de primauté de Pierre et de ses successeurs. Ce rôle du successeur de Pierre dans l’unité de l’Église et la cohésion de son enseignement sera reconnu très tôt, dès saint Clément à la fin du premier siècle. Puis cette fonction sera exercée sous des formes variables au cours des siècles, devenant plus que monarchique à l’époque où les papes devaient lutter avec les rois pour assurer l’indépendance de l’Église par rapport au pouvoir civil. La façon d’être Pierre évoluera encore, comme le suggérait Jean-Paul II dans son encyclique sur l’unité, où il invitait à « chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d'amour reconnu par les uns et par les autres » (Ut unum sint, §95)

Cet évangile du « tu es Pierre » ne se retrouve qu’ici, en saint Matthieu. Ce n’est même pas chez Marc qu’on le trouve, alors qu’il est l’évangéliste qui rapporte le témoignage de Pierre. J’apprécie que le soucis de la primauté de Pierre ne soit pas un souci de Pierre lui-même, mais de la communauté de L’Église, de l’Église qui désire marcher dans la lumière à la suite de son Seigneur.

C’est ce désir de l’Église de marcher toujours dans la lumière qui a conduit aussi à déclarer qu’il y a une infaillibilité du pape dans les quelques cas où il engage toute l’Église. La motivation de fond de cette infaillibilité n’est pas de donner un pouvoir exorbitant au pape. L’idée de fond c’est que Dieu ne va pas laisser son Église se fourvoyer, laisser la « puissance de la mort » (Mt 16,18), du néant, l’emporter sur elle. Dieu veut que son Église aide les hommes à recevoir sa vie.