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qui sera sauvé ?

Messe des étudiants du 29 octobre

L’évangile nous surprend par sa dureté. Il semble y avoir un rude contraste avec une vision de Dieu qui nous accueille toujours, qui nous aime quels que soit notre attitude. Pourtant ce n’est peut-être pas aussi différent que cela. Demandons-nous : qu’est ce que l’amour de Dieu ?

Je dirais que l’amour de Dieu ce n’est pas une couche de peinture, et que son pardon n’est pas du plafonnage. L’amour de Dieu est simplement un amour, avec toutes les dimensions de l’amour, notamment l’attente d’un partage. Quand nous parlons de l’amour de Dieu et de sa miséricorde, il arrive que nous voyions cet amour comme une couche de peinture que Dieu viendrait mettre sur nos laideurs. Et si nous disons qu’il nous accueille tels que nous sommes, est-ce que nous ne nous attendons pas un peu à ce que le paradis soit comme un de ces cocktails gratuits où on peut venir faire le pique assiette et repartir comme on est venu ?

Or, l’amour c’est l’amour. Comme tout amour, l’amour de Dieu est quelque chose qui s’échange, qui se donne et se reçoit. Un amour partagé, c’est un immense bonheur. Un amour refusé, c’est une peine sans fond. Imaginez que quelqu’un vous aime beaucoup, et que vous lui répondez simplement : « c’est bon à savoir... Je prends note pour le jour où j’aurai besoin de toi. » Vous lui faites une belle offense, et vous piétinez son cœur. Bien sûr il pourra encore vous le pardonner, s’il vous aime tant, mais vous, quand vous aurez vraiment réalisé ce que vous avez fait, vous serez vraiment mal.

C’est ce genre de chose que Jésus nous annonce dans l’évangile. L’histoire du « quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte », c’est pour nous dire, non pas que le cœur de Dieu se fermera, mais qu’un jour la possibilité pour nous de montrer à Dieu notre amour se fermera. Savoir qu’on va passer sa vie avec quelqu’un qui nous aime tant sans avoir encore la possibilité de lui montrer notre amour, ça doit être super dur ; je ne voudrais pas vivre cela. Ce sont les « pleurs et les grincements de dents », une déception énorme.

Vous me direz : d’accord, nous le savons en lisant cet évangile, mais il y a tous ceux qui n’ont jamais entendu parler de l’amour de Dieu, seront-ils jetés dans cette situation pénible ? N’est-ce pas injuste ? Remarquez bien, Jésus ne dit pas que le problème c’est de le connaître ou pas ; il dit même plutôt qu’on peut se faire illusion en croyant qu’on l’aime parce que simplement on le connaît et qu’on est de son bord. Le critère qui fait que l’on se sente comme privé d’entrer dans la maison du Père, ce n’est pas de ne pas avoir connu le Christ, mais d’avoir fait le mal : « Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal. »

La foi de l’Église, exprimée par les évêques réunis au concile Vatican II, c’est que « ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église et cependant cherchent Dieu d’un cœur sincère et qui, sous l’influence de la grâce, s’efforcent d’accomplir dans leurs actes sa volonté qu’ils connaissent par les injonctions de leur conscience, ceux-là aussi peuvent obtenir le salut éternel » (Lumen Gentium 16). Le premier geste d’amour envers Dieu est d’écouter sa conscience. La conscience morale, on peut la voir comme une loi gravée dans notre cœur, ou comme une voix qui nous avertit en nous poussant à aimer, à faire le bien et à éviter le mal. Avec cette conscience, tout homme est équipé pour répondre à l’amour de Dieu par l’ouverture de son cœur. Et l’homme qui a agit selon sa conscience, sans paresse, même s’il ne connaissait pas Dieu, se dira quand il le verra : te voici, toi que j’ai aimé sans le savoir.

Tous, il nous faut apprendre à aimer le bien, le vrai, et non pas seulement notre petit bien. Heureux les artisans de paix et de justice !

Je termine avec un mot sur la première lecture. Être soumis les uns aux autres, c’est une expression un peu curieuse. D’habitude, s’il y a soumission, il y a quelqu’un qui soumet et quelqu’un qui est soumis. Ici, Paul nous demande une soumission mutuelle. C’est le contraire de l’orgueil. « Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » (Phil 2,3) dit-il dans une autre lettre. Cette soumission, ces rapports humbles, nous pouvons les commencer par un autre regard posé sur les autres. Le Seigneur nous demande de retrouver un regard d’émerveillement sur ceux qui nous entourent, spécialement ceux qui sont près et à qui nous nous sommes habitués.

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