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Être chrétien c’est... (partie I)

homélie de la messe des étudiants du 18 mars 2009

Quand nous entendons « celui qui observera ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. » (Mt 5,19) nous pourrions être mal à l’aise en nous disant : mais, être chrétien, est-ce que ça consiste d’abord à observer des règles, et des règles bien contraignantes en plus ? Est-ce que la foi n’est pas en train de mettre plein de barrières et d’obstacles à ma vie ?

En plus, nous entendons cet évangile dans un contexte où les médias vont nous casser les oreilles avec les déclarations du pape dans son avion pour le Cameroun — enfin il ne nous parleront pas de toutes les déclarations faites dans l’avion, sur la foi joyeuse des Africains, sur l’importance de l’éthique dans l’ordre économique pour que la crise ne pèse pas davantage dans les pays pauvres, sur les difficultés de l’Église en Afrique et le besoin qu’elle a de se purifier, sur les sectes qui promettent un bonheur facile — ils ne nous parlerons que de cette phrase : le sida ne peut être vaincu par la distribution de préservatifs. Cela ne fait que l’aggraver. Ils oublieront de dire que le pape estime que la solution passe par un réveil spirituel et humain. De toute façon, la plupart des médias ne se soucient pas d’un réveil spirituel et humain... Bien sûr, si on n’a pas l'intention d’être fidèle, il faut utiliser le préservatif. Mais ça me paraît évident que la distribution de préservatifs donne le signal que c’est prévu que l'on couche avec tous ceux qui nous plaisent beaucoup et que c’est étrange de refuser un rapport sexuel. Et pourtant ce n’est pas souvent qu’une femme dit un un homme : mets ton préservatif, car je te soupçonne d’aller voir ailleurs et je ne veux pas que tu me contamines... Il me semble que le pape a raison de dire que le préservatif aggrave le probème du sida...

Enfin, ne nous perdons pas dans cette digression ! Le chrétien est-il quelqu’un qui observe des règles, des lois ? Parfois on sous-entend cela aussi lorsqu’on se dit que les chrétiens n’ont pas le monopole de la droiture, de la bonté, du dévouement, etc. Regardons un peu quelle est cette loi dont parle Jésus, dont il dit qu’il ne vient pas l’abolir mais l’accomplir.

la Loi, ce ne sont pas les règles. Dans la pensée juive où Jésus évolue, la Loi c’est aussi toute la convivialité de Dieu avec son peuple, l’histoire d’Abraham, la libération d’Égypte, la bienveillance de Dieu pour son peuple. Il y a aussi des règles dans la Loi, mais elles sont placées dans le cadre d’une histoire d’alliance où Dieu sauve son peuple. De même pour le chrétien : il n’est pas d’abord quelqu’un qui cherche à être bon mais quelqu’un qui cherche à accueillir le salut de Dieu, quelqu’un qui est visité par Dieu et sauvé par le Christ. C’est à cause de ce salut, à cause de cette bonté de Dieu envers lui qu’il se met à faire plus attention à ses actes et à s’imposer certaines règles de vie — des règles de vie qu’il ne pond pas tout seul mais qui sont discernée en Église, au sein du peuple de Dieu.

Jésus vient accomplir la Loi. Tout au long de sa vie il n’a cessé de demander aux gens, aux pharisiens notamment : comment est-ce que vous observez et enseignez les commandements ? Jésus a combattu le légalisme, cette tendance à subordonner toutes les relations, y compris avec Dieu, à l’observation de lois. Jésus a aussi combattu le relativisme, la tendance à vouloir décider soi-même de ce qui est juste ou pas.

La loi et ses règles opèrent une remise en question de nos façons de voir. Nous pouvons accueillir la loi comme une bonne nouvelle, un cadeau, et nous distancer d’une mentalité où on ne veut connaître que ses droits et non ses devoirs.

Les commandements s’imposent à nous, mais nous devons toujours en chercher le sens profond. Pour tout croyant il y a une nécessité par rapport aux commandements : creuser, réfléchir avec Dieu sur le sens des règles, et spécialement pour les lois qui nous dérangent ou nous intriguent. Cela permet de naviguer entre une application aveugle de la loi et un rejet irréfléchi. Et Dieu lui-même souhaite nous faire avancer : nous recevons des lumières intérieures ou nous rencontrons des personnes, des témoignages qui nous éclairent.

Un tout petit mot enfin sur notre liberté. On peut subir les commandements, ou y adhérer. C’est seulement à ce moment-là que la Loi s’accomplit. Tant que nous subissons, il n’y a pas d’ouverture à Dieu. C’est l’investissement de notre liberté qui rend à la Loi toute sa dimension de chemin vers Dieu.