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Jeudi Saint 2009

Celui qui est accusé injustement, dont les actions et les paroles sont épiées pour pouvoir les retourner contre lui, celui-là proteste en général de sa bonne foi. Et Jésus a lutté tout au long de sa vie publique pour qu’on accueille ce qu’il faisait, pour qu’on change son cœur plutôt que de trouver toutes sortes de prétextes à l’accuser et à ne pas se convertir. Jésus a lutté toute sa vie à la porte du cœur de l’homme, comme tant de justes le font après lui dans notre monde en faveur de la justice, de la vérité, de la dignité humaine, de la beauté de l’amour humain.

Jésus a aussi lutté d’une façon toute nouvelle, vraiment inédite, et que les apôtres n’ont compris que bien après : il a lutté non plus en argumentant ou en se défendant mais en acceptant d’être livré. Voici un moyen de combat inattendu, mais qui fécondera vraiment le monde : Jésus donne sa vie. Il ne la donne pas pour une grande cause ou en signe de protestation ; il la donne « pour ses amis » (Jn 15,13), « pour la multitude » (Mc 10,45).

En faisant cela Jésus assume le refus de l’Évangile par l’homme, et il le surmonte ; il ne meurt pas seulement comme un prophète, mais il est le sauveur : par sa mort il nous sauve de nos péchés, du refus de vivre comme dans l’Évangile. Aujourd’hui nous avons souvent l’occasion de vivre le drame de l’Évangile refusé, dans notre propre cœur ou dans le monde et la société autour de nous. En ces jours nous nous rappelons que Jésus a justement donné sa vie pour cela. En l’accompagnant dans la prière en ce jeudi saint nous nous unissons à son effort, au don qu’il fait de lui-même et qui change le monde.

Qu’est-ce qui permet à Jésus de faire ce qu’il va faire ? C’est l’amour. L’évangile de Jean le constate bien, lui qui introduit ainsi le lavement des pieds et l’eucharistie : Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout (Jn 13,1).

Jésus nous demande de faire comme lui, de nous laver les pieds les uns aux autres, de servir, de donner notre vie pour les autres, ni plus ni moins. A notre tour, l’amour est la seule énergie qui nous permet de vivre comme lui. Bien sûr, si nous voulons faire les choses par devoir ou par bienséance, ou même par intérêt, nous parviendrions à un certain résultat, peut-être même honorable. Mais la vraie énergie qui nous permettra de servir nos frères sans nous fatiguer, avec déjà la joie du paradis, c’est l’amour. « El alma que anda en amor ni cansa ni se cansa », chantons-nous parfois sur une parole de saint Jean de la Croix : l’âme qui brûle d’amour ne fatigue ni ne se fatigue (Paroles de lumière et d’amour). Par l’amour, notre cœur est constamment renouvelé et retrouve de nouvelles forces.

L’amour commence lorsqu’on se rapporte à quelqu’un en tant que personne et, je dirais, en tant que personne sacrée. Chacun de ceux à qui nous avons affaire est un être sacré, créé à l’image de Dieu, sauvé par le Christ, habité par le Saint-Esprit. Nous sommes appelés à aimer beaucoup, intensément, et à demander à Jésus la grâce d’un amour plus brûlant, un feu d’amour en nous pour tous ceux qui sont près de nous, tous nos prochains.

Enfin, dans toutes nos actions de bienveillance, de service, rappelons-nous toujours : c’est Dieu qui est le sauveur, le libérateur ; c’est son amour que je porte et c’est à son amour que je veux brancher tous les cœurs.