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Mariage d’Isaline et François

12 septembre 2009

Isaline et François, aujourd’hui vous vous lancez dans le mariage. Vous allez vous demander mutuellement si vous voulez être l’un pour l’autre comme mari et femme, et vous vous déclarerez que vous vous recevez l’un l’autre ; et en le disant, vous le ferez ; ce sera une parole qui réalise ce qu’elle dit, au cœur du sacrement de mariage. Cette parole que vous échangez est une parole bien épaisse, puisqu’elle est appelée à durer toujours. Et même, à grandir jour après jour. Une parole, c’est tout petit une parole ; il y a même parfois des paroles en l’air. Mais cette parole-ci, elle sera une fondation ; vous devrez y revenir souvent. « J’ai promis de l’aimer toujours » ; « tu as promis de m’aimer toujours ». Parfois on entend dire que la plus belle preuve d’amour serait de redonner sa liberté à celui qui veut quitter le couple ; mais non, au contraire ! La plus belle preuve d’amour est de lui redire : tu as promis de m’aimer toujours, et moi je veux croire à la parole que tu as dite.

Construire un amour fidèle est vraiment une création de chaque jour. On pourrait se demander : comment peut-on promettre d’aimer toujours ? L’amour n’est-il pas un sentiment, et donc incontrôlable ? Et s’il venait à passer ? Il y a une dimension de l’amour que l’on a oublié de nos jours, et qui est pourtant si importante. L’amour est choix, il est décision. Cela paraît étrange à dire, et pourtant l’amour ne repose pas seulement sur le sentiment mais aussi sur la volonté. On ne le sait plus dans notre monde, on croit que l’amour dure tant que dure le sentiment. Mais non, l’amour est aussi choix, décision. Dans un couple il arrive des moments où le sentiment n’est plus au rendez-vous. Vous pourrez tomber amoureux de quelqu’un d’autre, ça arrive assez souvent, mais ce n’est pas la fin de votre couple. On peut encore choisir d’ouvrir son cœur à son conjoint, de le prendre dans son cœur, de vouloir lui être uni. Non par nécessité, non par peur d’être seul, non par soumission, mais par choix. Lorsqu’on fait cela, un sentiment nouveau commence à naître, plus profond, un attachement qui donne davantage la vie. L’amour devient un sentiment plus profond, qui n’est pas né seulement tout seul, comme quand on tombe amoureux, mais qui est né du désir de notre cœur, de la décision de notre cœur. Bien sûr, si je voulais dire « je décide d’avoir des sentiments pour toi » et que je voulais les ressentir instantanément, ça ne marcherait pas ; mais quand notre sentiment premier est en panne, dire dans son cœur à son conjoint « je te choisis » peut en quelques jours, semaines ou mois, produire un attachement nouveau et plus puissant. Ainsi je vous demande de choisir de vous aimer, quels que soient vos états d’âme.

Ce choix d’aimer, il y a un moment où il est spécialement fort, c’est le jour où nous avons à pardonner à notre conjoint une attitude, une parole, une réaction ou un silence... Tout au long de votre vie vous aurez à vous pardonner l’un à l’autre. Sur la terre, il n’y a pas d’amour parfait, irréprochable. L’amour que l’on s’échange sur terre est un amour à pardon, comme il y a les moteurs à essence. Notez que pardonner, ce n’est pas excuser ; on peut très bien pardonner à quelqu’un qui est inexcusable. Parce que pardonner n’est pas dire : je te comprends, je vais essayer d’oublier... Pardonner, c’est dire à l’autre : même si tu m’as fait si mal, je veux t’aimer par-delà ce que tu m’as fait, je ne veux pas que ta mauvaise action limite mon amour. Pardonner, c’est faire remporter une victoire à l’amour.

Il n’y a rien à faire, nous avons à mener un combat contre le mal en nous et autour de nous. Notre société nous pousse à mener ce combat en portant plainte, en condamnant, en se déclarant victime, en critiquant. Saint Paul ose nous proposer un autre chemin pour lutter contre ce mal : « Ne vous prenez pas pour des sages. Ne rendez à personne le mal pour le mal. Efforcez vous de faire le bien devant tous les hommes. S’il est possible, et dans la mesure où cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. » Ce chemin tient compte que le mal que l’on veut dénoncer, il est aussi en partie en nous. Je ne dis pas qu’il faut se laisser manipuler ou bafouer, mais c’est à une réconciliation plus vaste que nous devons parvenir et il ne suffit pas de dénoncer le mal. Saint Paul nous interpelle sur les réflexes que notre monde entretient en nous : « Don’t go with the flow, ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. » C’est une intelligence et une vision du monde qui pousse à aller joyeusement de l’avant dans l’amour.

Votre amour est cher au Seigneur, et il le sauvera autant de fois qu’il le faudra, par son pardon et la force de son Esprit. Dans le mariage, Dieu consacre votre amour et il compte sur lui pour le progrès de son Royaume. D’une part le couple marié représente au milieu du monde la force et la fidélité de l’amour de Dieu pour les hommes. Dieu aime les hommes d’un amour passionné et qui ne se reprend pas. C’est pourquoi aussi le mariage chrétien ne se reprend pas et que l’Église ne connaît pas de moyen de le faire cesser pour que les époux retrouvent leur liberté. Il arrive même qu’un conjoint devenu seul choisisse de vivre encore cette fidélité qui vient de plus loin que lui.

En plus des moyens humains que vous prendrez pour vous aimer chaque jour davantage, demandez souvent à Dieu de faire grandir votre amour. Par vous il fera comprendre aux hommes que c’est la tendresse et la fidélité qui sont le vrai fondement du monde. Par votre amour vous nous témoignerez de la force de l’amour de Dieu, en faveur de tous ceux qui ont tant besoin d’amour, et votre foyer réchauffera tous ceux qui ont été blessés par l’amour et qui veulent reprendre un chemin de vie.

Pour relever tous ces défis, vous voulez accueillir cette parole de Jésus : « Ne vous inquiétez pas (de tout ce que les hommes ont l’habitude de rechercher comme nécessités ou comme confort), il sait bien, votre Père céleste, que vous avez besoin de toutes ces choses. Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain : le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6,34) Cette parole est très libérante. Souvent nous laissons les soucis assiéger notre cœur et nous empêcher d’aimer. Secrètement nous nous disons : je pourrai prendre du temps pour t’aimer et aimer les autres quand j’aurai réglé tous ces soucis. Et pourtant ici il y a l’invitation à ne pas se dire « c’est moi qui dois me débarrasser des soucis » mais plutôt : « c’est Dieu qui va me débarrasser des soucis puisqu’il veut que je sois libre pour aimer ».

Que Dieu vous garde et vous fortifie encore !