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Le cadeau d’être ajusté à Dieu

homélie de la messe des étudiants — 14 octobre

Il nous arrive de nous demander à nous-mêmes : est-ce que je suis quelqu’un de bien ? Ou pour d’autres : est-ce que je fais ce qu’on attend de moi ? Ou encore : est-ce que je me prépare bien à réussir ma vie ? Cela répond à un besoin de se situer soi-même dans le monde environnant. Et puisque Dieu fait pour nous partie de ce monde environnant, qu’il en est un élément assez important, ou le plus important, nous cherchons aussi à nous situer par rapport à Dieu : suis-je quelqu’un de bien pour Dieu ? Autrement dit : suis-je un juste ? Puis-je me prévaloir d’une certaine justice ?

Ces questions empoisonnent toutes les religions, et le Christ voudrait y mettre un terme. Je crois que c’est une des grandes raisons de son animosité envers les pharisiens. Les pharisiens voudraient passer pour des justes, ils ont un besoin vital qu’on pense du bien d’eux, comme beaucoup d’entre nous. Pour être sûr d’y parvenir, ils ont transformé la religion en un système de règles auxquelles on peut s’efforcer de correspondre. Ils peuvent ainsi se coucher le soir en ayant le sentiment d’être aimables aux yeux de Dieu. Le problème c’est que devant les vraies attentes de Dieu personne ne peut se croire en règle. Mais puisque les pharisiens ne croient pas en la miséricorde ils laissent de côté les vraies exigences de Dieu pour en accomplir de petites à leur portée. Saint Paul veut donner un écho maximal au combat de Jésus contre ce détournement de la foi : il va démontrer que tous sont pécheurs, ceux qui commettent le mal et ceux qui les jugent. Il conclura le discours que nous avons entendu aujourd’hui par : « tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu, lui qui leur donne d’être des justes par sa seule grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. » (Rm 3,23-24)

Nous aussi, nous pourrions essayer de nous situer dans le monde en nous comparant aux autres, ou encore en nous lamentant sur les conditions difficiles de notre existence. Mais ce n’est pas nécessaire ; nous vivons dans un monde où de toute façon tous sont pécheurs, les autres comme moi, un monde où notre justice ne peut venir que comme un don, une grâce.

Le jour où nous abandonnons toute prétention de nous justifier nous-mêmes, nous pouvons alors être justifiés par Dieu, c’est-à-dire être ajusté à lui, correspondre à son amour parce qu’il nous en fait le cadeau, et non pas parce que nous avons essayé d’être quelqu’un de bien.

Reste à accueillir le cadeau ; ce n’est pas le sujet de l’évangile mais je le rappelle quand-même, pour ceux qui profiteraient de ce que c’est le Christ qui justifie pour se tourner les pouces : Dieu qui nous aime attend de nous un amour qui réponde à son amour. Son amour est inconditionnel, mais il n’est pas indifférent. Dieu n’attend pas que je sois convenable pour m’aimer, mais il attend de moi de vivre selon sa justice et son amour, sans aucun laisser aller. Vous vous souvenez de la porte étroite et du chemin resserré. Je laisse la parole à saint Paul une nouvelle fois : « pour ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l'honneur et la vie impérissable, ce sera la vie éternelle. » (Rm 2,7)

Chaque fois que nous commençons la messe nous laissons Dieu nous ajuster à lui en demandant : Seigneur, prends pitié. Et ailleurs aussi dans la messe nous demandons à Dieu de nous purifier. Ce n’est pas une obsession de notre misère, c’est un garde-fou contre la tentation de se blanchir soi-même, tentation qui est bien à l'œuvre chez les croyants comme chez les incroyants, comme on le voit auprès de ceux qui veulent laver plus blanc que blanc, quitte à s’empêtrer dans la mauvaise fois comme nous avons pu encore l’observer dans les médias ces derniers jours.

Seigneur, libère-nous du fardeau de vouloir être juste aux yeux des hommes et à tes yeux, pour recevoir de toi le vêtement de noces, la gloire de ton amour, la beauté qui nous rendra fiers de nous et de toi !

Amen.