homélie du 24e dimanche A, 17 septembre 2017

À travers{joomplu:154} la Parole de Dieu aujourd’hui nous redécouvrons l’urgence du pardon pour notre vie avec les autres, pour la vie dans les familles, dans la société, dans la paroisse. Au Centre de Préparation au Mariage nous insistons beaucoup sur le pardon. Un des passages que nous lisons aux fiancés est cet enseignement du pape François : « On ne peut vivre sans se pardonner, ou tout au moins on ne peut vivre bien, en particulier en famille. Chaque jour, nous nous faisons du mal l’un à l’autre. Nous devons tenir compte de ces erreurs, dues à notre fragilité et à notre égoïsme. Mais ce qui nous est demandé, c’est de guérir immédiatement les blessures que nous nous provoquons, de retisser immédiatement les fils que nous brisons dans la famille. »1 C’est la même chose en dehors, partout où nous vivons : retisser sans attendre les liens que nous brisons à cause de la dureté de notre cœur, à cause de notre jalousie, à cause de notre mépris, à cause de notre égoïsme.

Il n’y a pas d’amour du prochain sans pardon. Il ne faut jamais refuser le pardon à celui qui nous le demande, explicitement ou implicitement ! Parfois on fait une démarche un peu solennelle, mais ce n’est pas toujours nécessaire. De même, pour montrer que l’on pardonne, cela peut être très simple : un geste au baiser de paix, un sourire vrai, une attitude franche et loyale, un service ou un sacrifice pour l’autre, et il a compris : il est pardonné.

Comment pardonner ? Dissipons d’abord deux malentendus. Pardonner ce n’est pas excuser. On peut pardonner celui dont le péché ne s’explique pas, dont la faute vient tout droit de sa volonté mauvaise. On ne doit pas dire « je te comprends » ou « j’accepte » pour pardonner. Ensuite, pardonner, ce n’est pas oublier. On pourra pardonner quelque chose de si grave qu’on ne l’oubliera jamais. Il faudra du temps pour pardonner, mais moins que pour oublier. La première étape sera de pouvoir nommer l’offense, s’en rendre compte, se dire ce qui a blessé. Le dire à l’autre aussi, le plus souvent (« si ton frère a commis un péché contre toi, disait Jésus dimanche passé, fais-lui des reproches »). Puis pardonner. Sans dire « c’est bon pour une fois ». Mais plutôt : j’accepte de ne plus y revenir, mon amour veut être plus grand que le mal qui nous sépare maintenant. Ce ne sont pas que de belles paroles : grâce à Dieu c’est possible. Et si le pardon est trop difficile à donner, eh bien faisons un pèlerinage ou une neuvaine !

Et si nous laissons le mal nous séparer sans pardonner, nous faisons le jeu du diable, du diviseur, qui se régale de voir les humains s’éloigner les uns des autres et de leur Père du ciel. C’est pourquoi l’enseignement de Jésus est massif, ne laisse pas le choix. C’est un des sujets sur lesquels il est le plus clair. Ce n’est pas un « si tu veux être parfait, pardonne » (pour paraphraser Mt 19,21), mais « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

L’évangile souligne encore un point, à la suite de Ben Sirac : il y a une solidarité de tous les hommes dans le mal et le péché. Malgré nos efforts pour devenir quelqu’un de bien, de fiable, de bon. Personne ne peut se présenter devant Dieu en disant : j’ai pu faire l’économie de pardonner, je n’ai pas dû faire un pas vers les autres, car je n’ai rien à me reprocher.

En effet, quand nous pensons que les autres nous doivent beaucoup, Jésus nous suggère que nous devons bien plus à Dieu. La disproportion dans la parabole (Mt 18,23) est de 5 milliards et demi d’euros ÷ 10000 euros.

Comment est-ce possible ? Parce que nous sommes tellement aimés ! Nous vivons toute notre vie dans une grande indifférence par rapport à Dieu. Si nous avions une petite idée de la chaleur de l’amour qu’il nous porte, nous le chercherions passionnément partout : dans la prière, sans cesse ; dans le service de nos frères, sans relâche. Nous ne dirions jamais : ça suffit, j’ai accompli mon devoir envers Dieu, je peux retourner à mes petites affaires.

Les plus grands saints se considéraient comme de grands pécheurs, et ce n’était pas une figure de style : c’est parce qu’ils commençaient à percevoir l’ardeur de l’amour de Dieu posé sur eux. Alors leur réponse leur semblait si distraite. Et ils n’avaient pas de mal à pardonner à ceux qui les négligeaient ou les blessaient, car ils savaient bien qu’ils sont de la même sorte, de la sorte des indifférents, des égoïstes, des orgueilleux. Ce n’est pas qu’ils se dénigraient eux-mêmes, mais ils se savaient redevables d’un amour si grand.

Seigneur, révèle-nous ton amour, afin que notre cœur cède et ne soit plus dur envers les autres !

1Audience générale du 4 novembre 2015, suite au Synode sur la famille.