ma vocation

Parler de ma vocation c’est d’abord parler du Seigneur, de l’attrait qu’il a exercé sur moi et de la façon dont je lui ai répondu. Pour moi, le Christ m’a parlé à partir de la question du bonheur. Dans l’a­dolescence, au moment où l’on se demande quel tour concret pren­dra la vie, je me demandais quels choix faire pour connaître le bon­heur. Mon éducation m’avait appris à aimer le bonheur simple, celui qui réside surtout dans la joie d’aimer et d’être aimé. Je ne cher­chais pas à être riche ou puissant, j’imaginais mon bonheur dans la fondation d’une famille avec une épouse tendre et joyeuse. Le Christ était important pour moi, et à part une courte période « nietzsc­héenne » à la fin du secondaire, j’ai toujours cherché à être fidèle à ce que Jésus nous demande dans l’évangile.

C’est dans cet état d’esprit que je suis arrivé aux Facultés de Namur pour y faire la licence en physique. J’y ai entendu parler d’une pa­roisse étudiante et je l’ai rejointe aussitôt. Y a-t-il un meilleur lieu pour rencontrer des amis qui verraient la vie un peu comme moi, et, bientôt, la femme de ma vie ? En fréquentant la paroisse étudiante, j’ai découvert le kot « La Bruyère », où huit étudiants avaient aména­gé une chapelle dans leur cave et y invitaient ceux qui voudraient venir prier avec eux le matin avant de partir au cours. Prier tous les matins, quelle initiative suspecte ! Mais puisque ces étudiants me paraissaient « normaux », et qu’une amie que j’aimais beaucoup y allait, je me suis mis à prier une demi-heure chaque matin avec eux. Ce fut pour moi l’occasion d’une découverte que je ne soupçonnais pas : Dieu est une personne, et son amour peut me toucher person­nellement, me remplir de la joie d’être aimé et de pouvoir aimer en retour. En quelques mois de cette découverte, un chemin que je trouvais complètement absurde et étriqué devenait un autre possible pour moi : être célibataire pour le Seigneur, faire de lui le premier amour de ma vie, oser croire qu’il remplira par sa présence pourtant si impalpable les attentes de mon cœur, mes be­soins affectifs les plus fondamentaux.

Mais comment choisir, devant deux vocations aussi belles : le ma­riage et le célibat consacré ? Pendant deux ans, mon cœur a oscillé, désirant tour à tour l’un puis l’autre chemin. Une seule chose était vraiment sûre : j’avais envie de faire connaître le bonheur d’aimer Dieu et de compter sur son amour. J’avais envie d’être une sorte de missionnaire : marié, prof de physique et de religion, ou prêtre, ou religieux, qu’importe, mais témoin de la joie de croire, du bonheur d’avoir un Dieu pareil.

Puis un jour, à l’improviste, un vendredi midi pendant l’eucharistie, j’ai eu la certitude intérieure qu’un jour je donnerai Jésus dans l’eu­charistie, que je serai prêtre, tout simplement, tout entier. Une joie très paisible et très profonde m’a habité à ce moment, et pour des semaines ; j’avais envie de dire aux gens que je croisais : vous savez quoi ? Je serai prêtre !

Quatorze ans après je suis très reconnaissant au Seigneur de m’avoir pro­posé ce chemin. Je sais que j’aurais pu être très heureux comme époux et père. Mais mon bonheur d’être prêtre, d’être ainsi père autrement, ce bonheur est si grand. Et puis je me sens utile à l’É­glise. Cela fait également du bien au cœur.

Récemment un médecin incroyant que je consultais me demanda si ça ne me faisais rien de ne pas connaître l’amour d’une femme, spécia­lement l’amour physique. Je lui ai répondu que si, ça me faisait quelque chose, mais que par le célibat je connaissais un bonheur qui ne lui était pas accessible, et que je ne cèderai pour rien au monde : le bonheur d’appartenir au Dieu du ciel et de la terre, au Seigneur si bon et si grand, le bonheur de m’endormir en disant : je suis à Toi, ça me fait quelque chose et je sais que ça Te fait quelque chose...

(février 2010)