On pourrait se dire que cela nous concerne peu. Essayer simplement d’être bon dans ce monde de brutes. Et même tenter de se préparer convenablement à la vie éternelle, par la conversion et l’accueil de la miséricorde. Et d’y ouvrir ceux qui nous entourent. Mais quelle place dans notre foi pour tous les autres ? À toutes les époques de l’histoire ! Ceux qui toute leur vie auront vécu dans une condition de misère, privés de tout. Tous ceux que personne n’a accueillis, consolés. Tous ceux qui n’ont eu comme repère que brutalité, mépris, haine.
Que peut-on dire de plus fondamental sur ce chemin tragique de l’humanité ? D’abord, que nous en sommes solidaires. Arrêtons cette division du monde entre les bons et les méchants. Je pense à ce que dit cette Israélienne dans le film Human de Yann Arthus Bertrand : « Pourquoi la guerre en Israël et en Palestine dure encore au bout de 70 ans ? Tant qu’on n’aura pas compris que moi, je suis une femme israélienne ; mais aussi une Palestinienne qui se fait exploser dans une école ; je suis aussi le soldat israélien qui tue un enfant palestinien ; je suis aussi un soldat allemand qui mettait des gens dans la chambre à gaz ; je suis aussi la femme violée, je suis aussi le violeur ». Non pas que nous ayons commis ces atrocités, mais personne n’est innocent, personne ne peut dire : je n’ai jamais pactisé avec le mal… Personne sauf le Christ, Jésus, le Fils de Dieu fait homme.

À cause de ce qu’a fait le Christ, ce chemin de l’humanité n’est pas un chemin qui se perd, qui aboutit au néant. Pas par lui-même, car l’injustice ne peut pas se poursuivre dans la vie éternelle. Et ce serait bafouer éternellement la justice que de dire à celui qui l’a subie comme à celui qui l’a commise, et qui devront vivre ensemble : faites l’effort d’oublier comme moi, Dieu, je le fais ! Mais l’espérance est possible à cause de cette action du Christ dans sa passion, qui prend sur lui le drame de l’humanité. Car s’il a sué du sang à Gethsémani, ce n’est pas seulement à cause de l’angoisse d’un homme face à son supplice, mais de la détresse de Dieu fait homme devant la tragédie de chaque homme. À cause de la passion du Christ et parce que le Père l’a ressuscité, le chemin de l’humanité, quels que soient ses malheurs, est un chemin qui conduit les enfants qu’il engendre vers le Royaume de Dieu.

C’est lui, le Christ qui le fait. C’est pourquoi c’est lui qui doit revenir, pour récapituler l’histoire, la reprendre dans son cœur qui guérit. Dans un moment de bouleversement, où la maladie du monde sera manifeste aux yeux de tous. La Bible ne nous raconte pas la fin de ce monde pour que nous en ayons peur, mais pour que nous la désirions, comme le salut de l’humanité entière. Pour tous ceux qui meurent sur les tas d’ordure du Caire ou de Rio, pour tous celles qui sont vendues comme esclaves, pour tous ceux qui commettent tout cela ou qui encouragent les incroyables injustices de la mondialisation, nous disons : viens, Seigneur Jésus, Maranatha, viens nous sauver ! Que vienne ton Royaume !

Mais il ne suffit pas de crier. Ce Royaume que nous ne pouvons pas créer seuls, nous devons y travailler, aller à la vigne du Seigneur, nous donner de la peine dans son champ. Saint Paul nous donne la manière de mener le combat présent : « que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant… Faites donc de nouveaux progrès » (1 Th 3 et 4). Voilà un beau programme pour l’Avent. De nouveaux progrès dans un amour débordant, entre nous et envers tous.