homélie de la Toussaint 2019

{joomplu:45}Toute personne saine d’esprit cherche à être heureuse. C’est Dieu qui a déposé en nous cette quête du bonheur, comme une tête chercheuse de la vie éternelle où notre espérance sera comblée. Pour nous donner la force d’avancer au milieu des difficultés de ce monde, c’est bon de nous demander quel est le bonheur des saints dans la vie éternelle. Difficile d’imaginer quelles sont les activités du Ciel ; d’après certains mystiques, c’est sans commune mesure avec ce que nous vivons sur terre, ce sont des réalités qui dépassent tous nos mots. Mais il y a une activité fondamentale que Dieu a bien voulu nous révéler, et nous allons partir à sa recherche.

Saint Jean affirme dans sa lettre que nous serons semblables à Dieu, parce que nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3,2). Il s’inspire de Jésus, qui disait : « heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5). C’est ce qu’on appelle la « vision béatifique ». Quel genre de vision est-ce que ça sera ? Ce ne sera pas comme la vision d’un beau paysage, d’un spectacle fascinant, ou des stars à la télévision. Car le beau paysage qu’on admire, on ne lui devient pas semblable. Quoique pour les stars c’est déjà un peu différent. On voit des gens qui veulent ressembler aux stars qu’ils contemplent, et ils se coiffent et s’habillent comme elles. Parce qu’il y a une affection qui s’est installée, même si cela reste superficiel. La vision de Dieu qui rend semblable à Dieu est une vision d’amour, d’un amour si intense qu’il fait ressembler profondément à l’aimé.

Le bonheur des saints dans la vie éternelle est le bonheur d’être aimé intensément, pour ce que nous sommes, et de pouvoir aimer sans limite. Cette activité de l’amour est le point commun entre ici et là, c’est pourquoi le chemin du ciel passe par le grand commandement d’aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même. Le bonheur du Ciel n’est pas une récompense, il est la suite de cet amour, une fois que tout ce qui coûte dans l’amour aura été guéri.

La qualité de l’amour du ciel est particulière : c’est être aimé au plus profond, pour ce que nous sommes. Pas aimés pour ceci ou pour cela, pour telle performance, parce que nous aurons réussi à plaire, mais parce que nous sommes nous. L’épisode de notre vie où nous pouvons le plus goûter cette joie d’être aimé gratuitement est celui où nous sommes pardonnés et que nous voyons qu’il n’y a pas de contrepartie, rien à payer, rien qui nous attend au tournant : nous avons été pardonné parce que nous sommes aimé. Lorsqu’on accepte cela — c’est parfois difficile d’accepter d’être aimé sans contrepartie, et donc de ne pas posséder la source de l’amour ni ses conditions —, on connaît une joie débordante, celle de compter pour quelqu’un pour toujours, sans faille. Quand ce quelqu’un est Dieu, il nous révèle toute la valeur que nous avons, une valeur qui dépasse constamment ce que nous imaginons de nous. Et il est quelqu’un que nous pouvons aimer de plus en plus, sans limite. Voilà la vision béatifique.

Cette joie d’un tel amour n’est possible qu’avec un cœur purifié. Il nous faut « laver notre vêtement dans le sang de l’Agneau » (Ap 7,14), accepter ce que le Christ a fait pour nous. Le péché a abîmé notre capacité à donner l’amour et à le recevoir. Sans cette purification nous souffririons terriblement des étroitesses que nous avons construites nous-mêmes autour de notre cœur. Le bonheur du Ciel est une grâce qui vient de la croix du Christ. Accueillons cette grâce avec reconnaissance.