homélie du 3e dimanche de Pâques, 26 avril 2020

{joomplu:539}2000 ans après les événements racontés dans les évangiles, nous pourrions facilement prendre ces textes comme des récits empreints de merveilleux, des contes du passé pour redonner confiance aux gens. C’est une tendance intellectuelle forte dans notre monde imbu de son point de vue pseudo-scientifique. Alors, pour me désinfecter de cette tendance, j’aime bien regarder l’effet de la rencontre avec Jésus sur les apôtres. Nous n’avons pas un film biographique sur saint Pierre, mais nous avons quelques données de l’histoire. Nous savons par exemple que le christianisme était arrivé à Rome sous le règne de l’empereur Claude, dans les années ’40, au sein de la communauté juive. Cela veut dire que dès les années ’30 on a annoncé dans les synagogues que Jésus était le Seigneur et que le Père l’avait ressuscité des morts. Ça s’est fait avec difficulté, comme le racontent les Actes des apôtres ou le décret d’expulsion des juifs de Rome par l’empereur Claude (v.49). Ça s’est fait avec des persécutions immédiates. Ça s’est fait avec une audace proportionnée à ces persécutions.

Pierre, Jean, André, Jacques et les autres avaient donc vécu une rencontre suffisamment bouleversante pour risquer leur vie à en témoigner. Ce n’est pas un conte rempli d’espérance qui a permis la diffusion, tout autant périlleuse que rapide, du christianisme dans toute la Méditerranée. C’est d’avoir vécu avec Jésus quelques années et d’avoir vu le tombeau vide. Saint Pierre donne la clé de cela dans son discours à Jérusalem que nous venons d’entendre — la première prédication de l’histoire de l’Église ! Il affirme : l’Écriture annonçait par la bouche du roi David la victoire sur la mort. Mais David est mort et son tombeau est là parmi nous. Tandis que Jésus s’est relevé d’entre les morts — sous-entendu : vous pouvez vous-mêmes aller vérifier là où on l’avait enseveli. Le tombeau vide, pour Pierre, n’est pas une image, il est ce qui lui permet d’affirmer que Jésus est vivant. Et on ne peut pas imaginer une seule seconde que Pierre dirait tout cela au sujet d’une résurrection dans son cœur alors que Jésus est en train de pourrir dans son tombeau.

Le fait de lire ce récit 15 jours après Pâques pourrait nous faire croire que Pierre dit cela 15 jours après la résurrection. Mais ce n’est pas le cas. Là où nous sommes dans le calendrier après Pâques, les apôtres sont encore éberlués et mettent beaucoup de temps à comprendre ce qui s’est passé. Nous pouvons deviner cet état par le récit des disciples d’Emmaüs. Ils ne reconnaissent pas Jésus. Ils n’imaginent pas que ça pourrait être lui qui marche là à côté d’eux. La résurrection est un changement total de la vie. Ce n’est pas quelque chose que l’on espère. C’est quelque chose qui s’impose à nous, quelque chose qui est là.

Le fait de la passion du Christ et de sa résurrection est tellement nouveau qu’on pourrait imaginer que Jésus inaugure une nouvelle religion. Or ce n’est pas cela : ce que Jésus fait est en continuité avec ce que le Père a fait et a voulu au cours de l’histoire avec le peuple hébreu. Le Père aime tant le monde qu’il veut sauver l’humanité. Il l’a déjà montré en guidant le peuple hébreu. Mais maintenant Jésus vient accomplir ce projet du Père de sauver le monde qu’il aime tant. C’est pourquoi, nous rapporte l’Évangile, Jésus se met à expliquer aux disciples d’Emmaüs tout ce que Moïse les prophètes ont dit : qu’il « fallait que le Christ souffre cela pour entrer dans sa gloire », puisqu’il venait dans un monde abîmé par la souffrance et la mort.

Oui, parce que Dieu ne veut pas effacer le mal au risque d’effacer nos cœurs, mais qu’il veut sauver nos cœurs, il fallait qu’il accepte de boire le poison du mal et de la souffrance qu’il produit. Et il en a été vainqueur. Laissons-nous saisir par cette victoire du Christ qui a été prêchée depuis 2000 ans par toute la Terre. Ô Jésus, nous croyons ce que les apôtres ont dit de toi au péril de leur vie, et nous te laissons habiter en nous et régner sur nous, afin de tourner même nos défaites en ta victoire.