homélie du 16e dimanche, en conclusion du camp-chantier où nous avons arraché beaucoup de mauvaises herbes!

{joomplu:13}Il y a longtemps déjà que cette parabole du bon grain et de l’ivraie (Mt 13) m’aide à concilier ce que l’Écriture dit de la bonté de Dieu avec la présence du mal dans le monde. Dieu crée un monde bon. Les affirmations du premier chapitre de la Genèse, « et Dieu vit que cela était bon » nous aide à dépasser un certain pessimisme sur le monde et sur le genre humain. Oui, quand Dieu nous regarde, il dit : comme c’est bon ! Regardons-nous ainsi dans le miroir chaque matin, par une sorte de thérapie divine du regard. Pourtant il y a le mal, en nous et autour de nous. Qu’il vienne d’un ennemi, un adversaire, un satan comme on dit en hébreu, c’est encore facile à comprendre. Mais pourquoi perdure-t-il ? Pourquoi Dieu n’intervient-il pas ? Pourquoi les hommes peuvent-ils impunément s’adonner à l’exploitation les uns des autres, à l’injustice économique, au vol, à toute sorte d’abus, à la pornographie, au mensonge, à la trahison, etc. ?

La parabole dit que le maître du champ dissuade les ouvriers d’arracher l’ivraie semée par l’ennemi, car ils risqueraient d’arracher le bon grain. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je vois trois pistes de compréhension. La première, c’est que nous avons peut-être nous-mêmes été rebelle, paresseux, nous contentant de beaucoup d’approximations avec notre conscience. Et puis nous nous sommes convertis, nous sommes devenus plus courageux, fidèles, recherchant le bien quoi qu’il nous en coûte, à l’image de ce héro du film « Une vie cachée ». Dans ce cas, il vaut mieux que l’ivraie n’ait pas été arrachée !

La deuxième piste est similaire. Nous vivrions très mal de voir nos proches arrachés pour leurs mauvaises actions, sans que nous ayons pu les dissuader, les ramener sur le chemin de la vie.

Mais surtout, il y a cette troisième raison : c’est pour préserver en nous le bon grain de notre liberté que Dieu n’arrache pas le mauvais du monde et le laisse vivre au risque qu’il ajoute l’injustice à l’injustice. Il y a des religions où on est invité à faire le bien par crainte de la punition, ou pour obtenir une récompense de Dieu. C’est une sorte de dressage de la bête humaine par le maître divin. La foi chrétienne nous dit que ce n’est pas ainsi que Dieu veut voir l’homme vivre. Nous sommes invités à faire le bien par amour, de Dieu et des autres. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces… et ton prochain comme toi-même », nous a enseigné le Christ. Dieu veut que la décision de faire le bien vienne d’une décision de notre cœur, de notre volonté, afin qu’elle soit vraiment notre bien propre. C’est ainsi que nous nous préparons efficacement à la vie d’amour du paradis. C’est ainsi que nous déployons les trésors d’humanité que Dieu a mis en nous. Faire le bien, non par coercition mais par amour ! Cela nécessite de laisser pousser l’ivraie avec le bon grain dans le champ du monde. Et nous oblige à vivre en nous-mêmes le combat du désherbage que Dieu ne fera pas sans nous, sans l’engagement de notre cœur si précieux.

La coexistence du bien et du mal dans le monde nous oblige à évoluer dans une culture où les choses sont parfois bien embrouillées. De nos jours, on ne réfléchit plus rationnellement, mais on pense par slogans, et on imagine qu’ils sont d’autant plus vrai que beaucoup de monde les répète. Ainsi, autour de l’extension de l’avortement à 18 semaines de vie du bébé, on répète sans arrêt que c’est une bonne solution pour les femmes, que c’est l’expression d’une juste autonomie, que tout enfant doit pouvoir être accueilli dans de bonnes conditions, que tant que l’enfant n’est pas viable il ne compte pas, etc. Pourtant nous avons tous été un jour cet enfant non-viable, et personne ne dirait de lui : avant j’étais quelque chose et puis je suis devenu quelqu’un. Dans la mer des slogans, qui nous guidera ? Aujourd’hui nous fêtons les 150 ans du dogme de l’infaillibilité du pape. C’est la conviction que le Christ ne peut pas laisser son Église se tromper sur des sujets qui concernent la foi (qui est Dieu, qu’a-t-il fait pour nous ?) ou la morale (quel est le bien et le mal dans nos actions ?). Bien sûr, le pape qui guide l’Église peut se tromper dans bien des décisions, sur comment faire telle réforme, comment mieux réprimer tel comportement mauvais, etc. Mais pas lorsqu’il décide, au nom de sa mission reçue du Seigneur, d’enseigner le peuple de Dieu au sujet de la foi ou de la morale. Depuis 30 ans, je ne regrette pas d’avoir écouté l’Église sur tous ces sujets et je remercie le Seigneur d’avoir un guide si fiable, si ancré dans la réalité par delà les modes et les slogans. Nous avons bien de la chance !