homélie du 4e dimanche de carême, 14 mars 2021

{joomplu:89} Jadis, Babylone, pour tuer toute contestation dans l’œuf au royaume juif, avait supprimé le culte du Seigneur dans le temple de Jérusalem et détruit ce temple (2 Chr 36). Puis vient Cyrus, qui compte sur la prière des peuples de son empire, car l’activité religieuse lui est précieuse. Il envoie les juifs restaurer le culte du temple, car les célébrations ne sont pas pour lui quelque chose que l’on peut suspendre à sa guise. C’est bien différent de notre culture, où les célébrations sont devenues un divertissement comme un autre, que certains pratiquent tandis que d’autres aimeraient faire du fitness ou aller au théâtre. Même dans l’Église aujourd’hui, et a fortiori en dehors, beaucoup considèrent que la vie avec Dieu c’est comme lire un bon livre, on peut très bien le faire à la maison, et on n’aurait besoin des célébrations que pour se donner un peu de courage. Alors, accepter la situation actuelle de confinement des cultes reviendrait à faire preuve d’un peu de patience et de solidarité.

Si c’est cela la réalité, alors cela veut dire que le sens de la liturgie a complètement disparu. Prenons plutôt un peu de temps pour redécouvrir ce qu’est la liturgie, pourquoi nous réunissons-nous, qu’est-ce que nous faisons ici ensemble ? Avec cela vous pourrez aussi expliquer pourquoi nous ne sommes pas contents du traitement actuel du culte dans notre pays. Bien sûr nous sommes mécontents comme tous ceux qui sont condamnés à l’inactivité, les musiciens, les acteurs, les restaurateurs, mais alors un peu moins qu’eux puisque nous pouvons quand même un peu exercer notre activité. Mais surtout nous sommes préoccupés car un pan entier de la vie humaine, la liturgie, le culte rendu à Dieu, est entravé sans qu’il y ait d’indice que notre activité soit dangereuse.

Pour comprendre la liturgie, il faut partir de l’œuvre de Dieu envers l’humanité. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16), vient de nous dire saint Jean. C’est par un combat que le Christ a réalisé ce projet de Dieu : le combat contre la mort et celui qui en détenait le pouvoir, c’est-à-dire le diable (He 2,10). Ainsi, Jésus annonce à Nicodème qu’il faut « que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle » (Jn 3,14) C’est en mourant sur la croix puis en ressuscitant le troisième jour que Jésus nous ouvre l’horizon de la vie éternelle, nous qui passions notre vie dans la peur de la mort, comme on le voit tellement aujourd’hui. Voilà la grande, la merveilleuse œuvre de Dieu, qui s’accomplit par le « mystère pascal », la pâque du Christ, le passage douloureux par lequel il a accepté de passer.

La liturgie, nos célébrations, c’est notre façon de prendre part à cette œuvre de Dieu. Par la liturgie, « s’exerce l’œuvre de notre rédemption », a dit le Concile Vatican II. À l’origine, dans le langage de l’Antiquité, le mot « liturgie » veut dire « œuvre publique », ou encore action accomplie par le peuple, et pour le peuple1. Dans sa version chrétienne, la liturgie célèbre l’action de Dieu en faveur de l’humanité et en même temps elle permet au Christ de continuer son œuvre parmi nous. Je ne vais donc pas à la messe pour me ressourcer, en espérant que ça marchera mieux qui si je restais dans mon salon ou sur ma terrasse à méditer de belles choses. Je vais à la messe pour permettre au Christ de venir toucher les gens de notre société, pour lui donner un terrain d’action et l’aider à remplir les cœurs de tant de gens qui souffrent aujourd’hui.

Je me suis focalisé sur les célébrations, car c’est ce qui est le plus mal compris et le moins bien respecté de nos jours, mais dans la foi chrétienne on tient toujours ensemble la célébration, l’annonce de l’Évangile et le service des autres. Pour que l’action de Dieu rejoigne les hommes de ce temps, il faut en même temps la liturgie, la proposition de la foi par la catéchèse et l’évangélisation, et l’engagement social pour un monde plus juste. C’est tellement imbriqué que même au cours d’une messe on vit les trois. Bientôt nous allons revivre le mystère pascal par l’offrande que Jésus fait de lui-même. Et nous allons nous offrir avec lui dans la prière eucharistique. Mais maintenant je vous annonce la foi et dans 5 minutes il y aura la première collecte du carême de partage par lequel nous allons venir en aide, selon nos moyens, aux familles d’agriculteurs de l’est du Congo, dévasté par les bandes armées depuis des années. La messe est le centre à partir duquel se réalise le Royaume de Dieu aujourd’hui, et comme j’aimerais voir plus d’engouement pour la messe ! Allez, je compte sur vous, et je compte sur les évêques…

1Catéchisme de l’Église catholique, № 1069.