homélie du 14e dimanche B, 4 juillet 2021

{joomplu:8} Jésus est-il accueilli pour qui il est ou pour ce que nous voulons bien qu’il soit ? Voilà la question que cet évangile pose à toutes les générations au long de ces 2000 ans d’histoire de l’Église.

Les habitants de Nazareth pensent qu’ils connaissent bien Jésus. Et ils ont en partie raison. Ils le connaissent bien comme homme, ils peuvent parler de sa famille, du métier qu’il exerça au milieu d’eux. Leur témoignage nous est précieux pour nous éviter de tomber dans une vision mythologique de Jésus. Jésus n’est pas un personnage à l’historicité douteuse, né on ne sait trop quand, ayant vécu on ne sait trop comment, mort on ne sait trop dans quelles circonstances. Il y a de plus en plus de gens pour dire très facilement : Jésus n’a jamais existé. Mais cela reflète davantage le progrès de l’idéologie que le progrès de la science. À leur façon, les contemporains de Jésus nous font toucher le concret de sa vie.

Pourtant, les habitants de Nazareth, en voulant enfermer Jésus dans les cases de ce qu’ils connaissent, l’empêchent de révéler qui il est et l’empêchent d’accomplir sa mission. Les apôtres et beaucoup de disciples ouvrent leur cœur et finiront pas reconnaître en Jésus le Fils de Dieu venu dans le monde. Ils accueillent le mystère du Christ. Au contraire, les gens de Nazareth interrompent leur quête. Ils regardent de loin sa sagesse et son action, comme si finalement cela ne les concernait pas. Ailleurs, Jésus a trouvé la foi et il en a fait l’éloge. Car Jésus attend la foi, il veut voir grandir la foi. Quelle foi ? Nous pouvons le deviner grâce à ce que les évangélistes racontent sur les événements qui ont lieu à Capharnaüm et dans d’autres localités autour du lac de Tibériade. Jésus n’a que faire des gens qui croient qu’il peut faire des choses extraordinaires. Ce n’est pas cela la foi. Ce qu’il espère, ce sont des gens qui risquent sa vie avec lui, qui s’approchent de lui pour non seulement lui partager leurs soucis mais l’accueillir, l’écouter, lui ouvrir leur cœur, leurs projets et leur vie. Alors, dans cette connivence, dans cette complicité de vue, Jésus peut faire des miracles, ce qui n’est pas le cas dans la Nazareth sceptique, où il s’étonne de leur manque de foi.

Aujourd’hui, presque 2000 ans plus tard, nous voilà à nouveau prévenus du risque de la fermeture au mystère du Christ, à tout ce qu’il est et à tout ce qu’il apporte. Nous pouvons nous fermer nous-mêmes, lorsque nous instrumentalisons le Seigneur Jésus pour la poursuite de nos propres projets, lorsque nous ne prions que pour demander — c’est une bonne chose de demander à Dieu, mais ce n’est qu’une partie de la prière. Nous nous fermons au mystère du Christ lorsque nous demandons : à quoi cela me sert-il d’être chrétien, de venir à la messe, de prier, de vivre selon l’évangile ? En entrant dans cette vision de la vie, nous perdons la complicité avec le Seigneur, notre relation avec lui devient utilitaire, elle ne se développe pas en amitié, et nous restons finalement seuls, et nous en concluons que nous avions bien raison de ne rien attendre du Seigneur… Tout ça parce que nous ne l’avons pas accueilli pour lui-même mais comme une espèce de magicien.

Nous voyons aussi autour de nous bien des gens fermés au Christ. Il y a plusieurs raisons à cela. On nous parle souvent du contre-témoignage de l’Église. Les péchés manifestes de l’Église deviennent pour certains l’obstacle incontournable, mais ils devraient quand même craindre que ce soit surtout une excuse commode. Parfois je me dis qu’une des raisons pour lesquelles Dieu tolère le mal dans son Église, c’est qu’ainsi ceux qui refusent le Christ auront une excuse au jour du Jugement. Mais il ne faut pas se leurrer. Quand Ézéchiel va être refusé par ceux auxquels Dieu les envoie, préfigurant ce qui arrivera au Christ, Dieu lui dit : c’est parce que leurs pères se sont soulevés contre moi, et que les fils ont le visage dur et le cœur obstiné. Autrement dit, le Christ est rejeté parce que chacun veut suivre ses vues et ne cherche que son intérêt premier. Ne voyons cela se passer aujourd’hui comme hier. Mais ce n’est pas le dernier mot. Que ceux qui commencent à écouter le Seigneur Jésus et à le laisser guider leur vie, qu’ils ne se découragent jamais, qu’ils ne se laissent pas non plus effrayer ni dérouter. La victoire est au Christ. C’est la victoire de l’amour et de la vérité.