homélie du baptême du Seigneur, Igny, 9 janvier 2021

{joomplu:523} Le prophète Isaïe suscite l’espérance d’une grande consolation qui viendrait d’en-haut, l’espérance de ce genre de consolation dont nous sentons bien le besoin aujourd’hui encore. De loin, Isaïe annonce la joie d’une intimité retrouvée avec Dieu — en effet, il ne sera plus question de nos fautes, dit-il, plus question de ces obstacles que nous avons mis nous-mêmes entre le cœur de Dieu et le nôtre. Cette intimité espérée, c’est Dieu qui la rétablira : « voici votre Dieu ! », demande-t-il d’annoncer (Is 40,9). Et il se présente comme un berger qui porte les agneaux sur son cœur. Nous qui avons le cœur tout abîmé par les confinements, les peurs et les décisions qu’elles motivent parfois, cela nous parle bien, cette annonce de Dieu qui vient à nous, qui nous tend son cœur, qui veut nous porter sur son cœur. Mais aussitôt nous demandons : quand ? Quand cela aura-t-il lieu ? Comment cela se fera-t-il ?

Nous sommes dans l’attente, et cela nous fait rejoindre le peuple venu auprès de Jean le Baptiste. Lui aussi était dans l’attente, au point de penser que Jean pourrait être le Messie. Jean, lui, relance leur espérance : espérez quelqu’un de plus grand que moi, quelqu’un dont je ne suis même pas digne de dénouer les lacets pour le servir. Il à tant à vous donner ! Lui est le Messie ; il vient, et il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.

Et cela arrive : Jésus est venu à Jean, il a été baptisé du baptême des pécheurs qui regrettent leurs péchés, lui le seul juste. Et alors on a vu que l’espérance qui devait venir d’en-haut, l’espérance qui est bien au-delà de nos forces, commençait à se réaliser : il y a la voix du Père qui affirme du ciel : « toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie ». Et celui qui révèle ce lien, c’est l’Esprit, qui pour une fois se fait visible (Lc 3,22).

La voilà, l’intimité retrouvée avec le cœur de Dieu : il y a au milieu de nous un homme qui est proprement le Fils de Dieu, qui est tout uni au Père, qui accepte de dépendre tout entier du Père et de se donner tout entier à lui, car c’est cela être fils ; ce qui fait que, comme le dira plus tard Jésus, il est dans le Père comme le Père est en lui (Jn 10,38). Y a-t-il intimité plus grande ? Le Fils est là ; il ne nous reste qu’à apprendre de lui comment on vit en fille, en fils de Dieu, comment on marche dans l’intimité de son Seigneur, comment on peut vivre en reconnaissant : tu es toujours avec moi !

Je dis que nous devons apprendre cela, mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut une transformation, à nous qui depuis le début ne vivons pas comme des filles et des fils de Dieu. Notre cœur doit être purifié, notre cœur doit être guéri, plus encore notre cœur doit renaître. Nous sommes blessés par le péché originel. Ne soyons pas étonnés si nous avons l’impression d’être entourés d’un fameux chaos, et que même en nous c’est le bazar. Pour surmonter cela, tout homme doit accepter de mourir intérieurement et de renaître. Voilà pourquoi le Fils de Dieu ne s’est pas contenté d’enseigner et de guérir, mais il a vécu sa Passion et a donné sa vie sur la Croix. « Il s’est donné pour nous, dit saint Paul, afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien » (Tite 2,14). Pour tous ceux qui ont perdu l’identité de fils, le Fils de Dieu doit restaurer cette identité là où elle était brisée : tandis que l’homme vivait à son compte, Jésus ne vivra que pour son Père, et il lui fera l’abandon total de sa vie en mourant sur la Croix pour nous. Jusque là, le Fils dépend tout entier de son Père et se donne tout entier à lui. Ainsi, les hésitants que nous sommes, toujours enclins à compter d’abord sur nous-mêmes, pouvons-nous de nouveau être revêtus de l’identité de fils ; et tous les dons que nous faisons de nous-mêmes font revivre en nous notre être de fille et de fils de Dieu : nous sommes un peuple de prêtres, un peuple de personnes capables de se donner à Dieu, de ne compter que sur lui et de goûter ainsi la force du lien que l’Esprit établit fermement entre le Père et tous ceux qui sont redevenus ses enfants.

Oserais-je encore ajouter ceci : vous ne sentez pas cette intimité retrouvée avec votre Créateur ? Donnez-vous vous-mêmes davantage, faites l’offrande de vos vies au Père et pour les autres, et l’Esprit donnera sa paix à vos cœurs. Et déjà vous vivrez comme des gens qui sont « en espérance héritiers de la vie éternelle » (Tite 3,7). Héritiers, cela veut dire que nous la posséderons, cette vie éternelle. Nous qui sommes devenus capables d’être tout à Dieu, nous posséderons aussi tous ses dons. Nous serons à lui, et lui sera à nous (Ct 2,16). Pour toujours !