homélie de Noël 2012.
Il ne vient pas comme une force, comme un rayon guérisseur, comme une formule magique, comme une onde bénéfique. Il vient comme une personne et nous l’accueillons comme une personne.

Les anges annonçaient aux bergers une grande joie : il vous est né un sauveur. Ose-t-on encore parler de Dieu comme sauveur ? On se demandera de quoi nous avons besoin d’être sauvés, et surtout de quoi Dieu peut-il nous sauver ? Il n’arrête pas les guerres, ne fait pas mourir les tyrans, ne vide pas les hôpitaux…

 

Il y a beaucoup de détresses autour de nous. Au loin c’est la guerre ici et là. Et le manque d’instruction. Et les épidémies. Et chez nous, des choses qu’on ne croyait plus voir arrivent : à Paris j’ai vu des gens faire les poubelles… D’autres souffrent d’une telle solitude. Ou plus radicalement de ne pas être aimés.

Dieu voit la détresse de l’humanité, il voit le péché qui crée l’injustice et l’abandon, il voit le mal qui menace notre espérance. C’est même ce qui le décide à venir, à prendre chair, à se faire homme. Nous pouvons comprendre beaucoup de choses en regardant comment vient le Sauveur. Il ne vient pas comme une force, comme un rayon guérisseur, comme une formule magique, comme une onde bénéfique. Il vient comme une personne. Il ne faut jamais oublier cette façon qu’a Dieu de venir, sinon on ne comprend pas pourquoi Dieu ne résout pas tel ou tel mal dont souffre l’humanité. Dieu ne sauve pas comme un grand magicien, il sauve en venant à notre rencontre, en étant une personne. Plus tard beaucoup lui demanderont des signes, mais il dira que le signe c’est lui (Mt 12,41).

En ce jour de Noël où nous nous réjouissons de la visite de Dieu, nous sommes surpris par la discrétion de sa venue. Dieu vient sans tambour ni trompette et nous pouvons passer à côté presque sans le voir. C’est bien ainsi dans la vie de tous les jours aussi : au long de la semaine, il y a bien des visites de Dieu, des invitations intérieures qui nous poussent à aimer les autres concrètement, à nous arrêter pour prier, à nous montrer reconnaissants. La délicatesse avec laquelle la lumière se propose dans notre vie chaque jour a quelque chose d’effrayant lorsque nous remarquons que nous l’avons refusée. Mais c’est justement cette délicatesse qui nous permet d’accueillir cette lumière dans l’amour. Plutôt que d’être une lumière qui nous terrasse et nous oblige à cacher nos yeux derrière de grosses lunettes noires et notre cœur derrière un écran d’indifférence, la venue du Christ sauveur est une lumière fragile qui nous demande de nous y ouvrir.

Un grand saint a bien parlé de ces manières très douces de Dieu à notre égard ; je voudrais le citer. Il s’agit de François de Sales. « La grâce, dit-il, a des forces, non pour forcer, mais pour allécher le cœur : elle a une sainte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse notre liberté ; elle agit fortement, mais si délicatement, que notre volonté ne se trouve pas accablée sous une si puissante action ; de sorte que nous pouvons, malgré ses forces, consentir ou résister à ses mouvements, selon qu’il nous plaît. Mais ce qui est autant admirable que véritable, c’est que quand notre volonté suit l’attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement, comme librement elle résiste, quand elle résiste. » (Traité de l’amour de Dieu, livre 2, chapitre 12).

Ainsi le Christ vient au milieu de notre monde comme une douce question. Et il nous demande : est-ce que tu voudras bien m’ouvrir ton cœur ? Est-ce que tu voudras bien me choisir encore cet après-midi et ce soir et demain ? Est-ce que tu penseras à moi en t’endormant et en revoyant ce que tu as fait aujourd’hui ?

La joie du salut grandit dans notre cœur à mesure de l’intimité avec le Christ, qui ne vient pas comme un idéal, comme une formule pour une société plus juste, mais comme une personne à aimer. Pensons souvent à lui, vivons une vraie relation à lui dans le secret de notre cœur — car il pense à nous — et notre vie changera, et le monde autour de nous connaîtra le salut.