Quand l’ange dit : « je te salue, pleine de grâce », il dit à Marie que la grâce de salut que Dieu nous fait l’a saisie entièrement, au point que cela devient son nom : tu es la toute pleine de grâce. Quand le traducteur protestant Louis Segond veut traduire ce mot, il dit : « toi à qui une grâce a été faite », mais c’est clairement en dessous du sens de la salutation de l’ange, qui n’a pas besoin de désigner Marie par un pronom, « toi à qui… ». Marie n’a pas reçu plein de grâces ; elle est la pleine de grâce. Pour Gabriel, Marie est convenablement désignée par la grâce donnée, elle est toute entière cette grâce donnée, elle est la Kékharitoménè, la Pleine de grâce. Chaque fois que nous reprenons la salutation de l’ange dans le Je vous salue Marie, nous tressaillons de joie en pensant à la manière dont Dieu a saisi Marie toute entière dans sa grâce. Dans la réflexion catholique, cela mènera à la définition de l’Immaculée Conception, où on dira que Marie a été conçue sans péché, « par une grâce venant déjà de la mort de son Fils »1 ; les orthodoxes, quant à eux, proclament Marie bienheureuse, très pure et toute immaculée. Des deux côtés, nous regardons en Marie la réussite totale de l’Esprit Saint, qui saisit un être humain tout entier pour l’unir totalement à la pensée de Dieu et à sa volonté.

Nous qui avançons dans ce monde en étant sans cesse blessés par nos péchés, nous qui trop souvent devons dire comme saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7,19), nous sommes réconfortés en regardant Marie. Ce que Dieu a réussi en elle, il finira par le réussir en nous. La vie coupés de Dieu, la vie déconnectés de sa volonté, de son cœur, ce n’est pas notre lot pour toujours. Seigneur, fais-nous revenir ! Réalise en nous la victoire pour laquelle ton Fils est venu sur la Terre. Que ce soit fini, nos découragements et nos compromissions avec le mal ! Que nos vies rayonnent de ta grâce ! Et déjà nous te verrons à l’œuvre, malgré les ténèbres de notre monde. Nos yeux lavés de nos péchés verront que tu disperses les superbes et que tu relèves les humbles ; nos cœurs sentiront que tu combles les affamés quand tu renvoies les mains vides tous ceux qui sont riches d’eux-mêmes. Nous connaîtrons tes merveilles. Viens, Seigneur Jésus !

1Oraison de la fête de l’Immaculée Conception, 8 décembre.