homélie du 5e dimanche de Pâques, 28 avril 2024

Quand nous entendons beaucoup de signaux qui témoignent d’une Église fatiguée, c’est bon de renouer dans notre cœur avec le rayonnement de l’Église primitive. Cette Église, d’emblée contredite dans la société du temps et invitée au silence, se développe joyeusement et avec intrépidité. Elle « marche dans la crainte du Seigneur », disent les Actes, c’est-à-dire avec la conviction affirmée il y a peu par saint Pierre qu’« il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5,29). Ainsi, libérée de l’esprit du monde, elle est réconfortée par L’Esprit Saint et elle se multiplie (Ac 9,31).

Comment expliquer cet enthousiasme ? Comment l’expliquer afin de le revivre à notre tour ? Il me semble que ces gens avaient le cœur touché par la présence du Seigneur et son amour. Dieu n’était pas un accessoire de leur vie, mais la référence et le centre. Il était leur respiration. Il était leur espérance. Et même si à cause de leur foi, leur vie devenait plus compliquée qu’avant, cela n’avait pas d’importance devant la promesse de la vie éternelle et devant la joie de vivre chaque jour dans l’intimité du Christ. Ils étaient persuadés que Dieu agit ici et maintenant et que son action est la plus grande lumière dont nous pouvons rêver.

Aujourd’hui ce n’est pas si fréquent d’avoir la conviction que Dieu agit encore. Nous y pensons parfois quand nous voyons nos demandes exaucées, mais sûrement pas quand nous sommes incompris, rejetés ou terrassés par la maladie. Pourtant, c’est en dissipant ce brouillard — car ces mauvaises nouvelles sont un brouillard que le malin répand dans nos vies pour nous faire croire que Dieu n’est pas là —, c’est en menant le combat de la foi que l’on retrouve le cœur agissant de Dieu. Un lieu où je le vis souvent est la veillée du vendredi soir, la veillée animée pour tous chez nous par les jeunes de la paroisse. Je crois que nous sommes beaucoup à avoir là l’occasion que notre cœur soit touché par l’amour du Seigneur. Nous faisons un peu l’expérience d’être les rameaux attachés à la vigne de Jésus, et même si parfois nous sommes secs, la prière des autres nous porte et nous aide à demeurer sur la vigne du cœur du Christ et à reprendre vie. Lorsque nous sommes ainsi portés dans la louange et l’adoration, lorsque notre cœur est touché, et nous éprouvons le désir d’aimer à notre tour. C’est comme si le cœur irradiait et ne trouvait plus rien d’intéressant que d’aimer, de consoler, de soutenir, d’encourager. Voilà que nous sommes un sarment qui se met à porter du fruit. Et cela fait notre joie et celle de notre entourage. Il y a là une réaction intérieure qui est réelle, parce que nous avons côtoyé le Christ qui est vivant.

Pourtant, ce n’est pas si facile. Il faut vaincre en nous le doute, matérialisé par ces moments de recul où on se dit : qu’est-ce que je fais ici ? N’y a-t-il pas plus urgent ? Vais-je me livrer à la louange ? À l’adoration ? Lorsque nous surmontons ces doutes, peu à peu nous sentons que notre vie est habitée et que ce n’est plus nous qui vivons mais le Christ qui vit en nous et nous en lui.

C’est ce que nous vivons à chaque eucharistie. « Eucharistie » veut dire « action de grâce », reconnaissance, joie intérieure devant les bienfaits de Dieu. Seigneur, il y a ici tous les bienfaits de ton amour. Et pour que ce ne soit pas lointain, tu fais en sorte que le Christ soit réellement présent, réellement là, par la consécration. Et notre cœur peut le contempler et s’attacher à lui. Père, apprends-nous à être les sarments qui demeurent attachés à la vigne du Christ ! Apprends-nous à adhérer à lui de tout l’amour de notre cœur ! Nous voulons vivre d’une vie nouvelle et lumineuse.