La vie des hommes préoccupe ceux qui les aiment. C’est pourquoi l’Église parle publiquement. Voici le message adressé par Benoît XVI à la FAO le 17 octobre 2011. Un discours vigoureux, qui fait sortir de la résignation. J’en cite ici les phrases les plus fortes.

Les statistiques témoignent de la croissance dramatique du nombre de ceux qui souffrent de la faim, à laquelle concourent l’augmentation des prix des produits alimentaires, la diminution des ressources économiques des populations plus pauvres, l’accès limité au marché et à la nourriture. Tout cela survient alors que se faim_webconfirme le fait que la terre est en mesure de nourrir tous ses habitants. En effet, même si dans certaines régions des niveaux bas de production agricole persistent, parfois à cause du changement climatique, cette production est globalement suffisante pour satisfaire aussi bien la demande actuelle, que celle qui est prévisible dans le futur. Ces données indiquent l’absence d’une relation de cause à effet entre la croissance de la population et la faim, et cela est encore confirmé par la déplorable destruction de denrées alimentaires pour préserver certains profits.

La faim ne dépend pas tant d’une carence de ressources matérielles, que d’une carence de ressources sociales. Le problème de l’insécurité alimentaire doit être affronté dans une perspective à long terme, en éliminant les causes structurelles qui en sont à l’origine et en promouvant le développement agricole des pays les plus pauvres. Il est aussi nécessaire de contester la persistance de modèles alimentaires orientés seulement vers la consommation et dépourvus de perspectives de plus grande envergure et, au-delà de tout, l’égoïsme qui permet à la spéculation de pénétrer même sur le marché des céréales, mettant la nourriture sur le même plan que toutes les autres marchandises.

Il est nécessaire d’engager les communautés locales dans les choix et les décisions relatives à l’usage des terres cultivables, parce que le développement humain intégral requiert des choix responsables de la part de tous. Il est important de souligner combien la voie de la solidarité pour le développement des pays pauvres peut constituer aussi une voie de solution de la crise globale actuelle.

Le risque existe concrètement que la faim soit considérée comme structurelle, comme partie intégrante de la réalité socio-politique des pays plus faibles, et fasse donc objet d’un découragement résigné, voire même de l’indifférence. C’est seulement au nom de l’appartenance commune à la famille humaine universelle que l’on peut demander à chaque peuple et donc à chaque pays d’être solidaire, c’est-à-dire d’être disposé à assumer des responsabilités concrètes pour venir au-devant des besoins des autres, pour favoriser un vrai partage fondé sur l’amour.

Toutefois, même si la solidarité animée par l’amour dépasse la justice, parce qu’aimer c’est donner, offrir du “mien” à l’autre, elle n’existe jamais sans la justice, qui pousse à donner à l’autre ce qui est “sien” et qui lui revient en raison de son être et de son agir. Je ne peux pas, en effet, “donner” à l’autre du “mien”, sans lui avoir donné tout d’abord ce qui lui revient selon la justice. Si on vise l’élimination de la faim, l’action internationale est appelée à un mode de coopération susceptible de construire une relation paritaire entre les pays qui se trouvent à un degré différent de développement. Outre le fait de combler l’écart existant, ceci pourrait favoriser la capacité de chaque peuple à se sentir protagoniste, confirmant ainsi que l’égalité fondamentale des différents peuples plonge ses racines dans l’origine commune de la famille humaine.

Il ne faut pas oublier non plus les droits fondamentaux de la personne parmi lesquels se détache le droit à une alimentation suffisante, saine et nourrissante, ainsi qu’à l’eau ; ceux-ci revêtent un rôle important à l’égard des autres droits, à commencer par le premier d’entre eux, le droit à la vie. Il faut donc que mûrisse « une conscience solidaire qui considère l’alimentation et l’accès à l’eau comme droits universels de tous les êtres humains, sans distinction ni discrimination » (Caritas in Veritate, n.27).

Le désir de posséder et d’user de façon excessive et désordonnée les ressources de la planète est la cause première de toute dégradation environnementale. La préservation de l’environnement se présente donc comme un défi actuel pour garantir un développement harmonieux, respectueux du dessein de Dieu le Créateur et par conséquent en mesure de sauvegarder la planète. Il est indispensable d’approfondir les interactions entre la sécurité environnementale et le préoccupant phénomène des changements climatiques, en se focalisant sur le caractère central de la personne humaine et en particulier des populations plus vulnérables à ces deux phénomènes. Des normes, des législations, des plans de développement et des investissements ne suffisent pas, il faut modifier les styles de vie personnels et collectifs, les habitudes de consommation et les véritables besoins ; mais, par-dessus tout, il est nécessaire d’être conscient du devoir moral de distinguer le bien du mal dans les actions humaines pour redécouvrir de cette façon le lien de communion qui unit la personne et la création.

Il est important de rappeler que « la dégradation de l’environnement est (...) étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine : quand “l’écologie humaine” est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage. (...) les devoirs que nous avons vis-à-vis de l’environnement sont liés aux devoirs que nous avons envers la personne considérée en elle-même et dans sa relation aux autres. On ne peut exiger les uns et piétiner les autres. C’est là une grave antinomie de la mentalité et de la praxis actuelle qui avilit la personne, bouleverse l’environnement et détériore la société ».

La faim est le signe le plus cruel et le plus concret de la pauvreté. Il n’est pas possible de continuer d’accepter l’opulence et le gaspillage quand le drame de la faim prend des dimensions toujours plus grandes. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’Église catholique soutiendra toujours, par la parole et par les actes, l’action solidaire.

Que Dieu bénisse vos efforts pour assurer le pain quotidien à chaque personne.

Benoît XVI