homélie du 26e dimanche C, 28 septembre 2025
Jésus disait dimanche passé « nul ne peut servir deux maîtres », nous faisant sentir qu’ou bien il servira l’argent, en mettant en priorité une vie confortable et tranquille, et il se servira de Dieu pour cela ; ou bien il servira Dieu, au risque d’être incompris dans un monde qui rejette Dieu, au risque d’avoir une carrière moins brillante, au risque de renoncer à un confort qu’il aurait pu se permettre s’il n’avait pas partagé ses revenus comme il l’a fait. Aujourd’hui le Seigneur montre à quel point l’argent et le confort peuvent posséder notre cœur et le rendre aveugle et indifférent à l’amour qu’on aurait dû donner. Il met en scène ce riche personnage qui, après avoir ignoré le pauvre Lazare à sa porte tous les jours, voudrait maintenant le mettre à son service dans la fournaise où il souffre terriblement.
Cet homme est complètement prisonnier de sa vision sur la vie, une vision qui lui a permis d’ignorer le pauvre tout au long de sa vie, et qui l’empêche ensuite de regretter la façon dont il s’est comporté. Ce genre de personnage est effrayant, car cela pourrait être nous. En entendant son histoire nous voudrions commencer à demander à Dieu : Seigneur, fais que je voie ! Fais que je voie celui qui a besoin de moi et que je pourrais aider. Bien sûr, je ne peux pas résoudre toute la misère du monde, mais ce n’est pas cela que tu me demandes. Tu me demandes d’ouvrir les yeux et de laisser mon cœur être touché, et d’agir en conséquence. Il ne s’agit pas de nous mettre dans la gêne (2 Co 8,13), mais de participer à la générosité de Dieu, qui veut donner toutes leurs chances à tous ses enfants. Vous avez entendu le psaume : « Le Seigneur garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. » (Ps 145[146]). Le Seigneur fait de nous les instruments de sa Providence. C’est par nous qu’il vient en aide à ses enfants, c’est ce qu’il nous a donné qui servira aussi à soulager ceux que la vie a frappés et qui passent dans notre vie.
Je n’ai pas besoin de vous en dire davantage sur ce sujet. Il n’y a plus qu’à ouvrir les yeux, le cœur et la bourse. Je voudrais relever autre chose : comment le cœur de ce riche commence quand même à se dégeler un peu, le conduisant à se soucier du sort de ses cinq frères : qu’ils ne viennent pas eux aussi dans ce lieu de torture ! Quelle pensée salutaire ! Enfin un peu de charité commence à fleurir dans ce cœur froid ! N’est-ce pas l’effet d’une transformation, opérée par cette fournaise où il souffre ? Avec le pape Benoît XVI je veux voir ce riche non pas en enfer, où il n’y a plus d’amour possible, mais au purgatoire, où nous subissons une transformation qui nous permettra d’avoir le cœur capable de l’amour du ciel, de l’amour que l’on échange au paradis. Cette transformation est nécessaire pour celui qui n’a pas eu de cœur dans sa vie terrestre. Cette transformation est douloureuse et plus ou moins lente, car il s’agit du plus profond de nous, et pas de guérir une maladie extérieure. Il s’agit de purifier l’intérieur de notre être, ce lieu où nous avons pris nos décisions, ce lieu où à résonné la voix de notre liberté qui a dit : je ne veux pas aimer. Dieu ne veut pas nous rejeter, car il nous aime tellement. Mais il ne peut pas non plus faire que nous n’avons pas refusé d’aimer, car ce serait nier ce que nous sommes, ce que nous avons décidé au plus profond de nous. Alors il nous offre ce purgatoire, comme à ce riche qui s’y trouve pour dégeler de toutes ses froideurs.
Mais ne nous résignons pas à aller au purgatoire. Recevons pour nous-mêmes cet appel de saint Paul à Timothée : « mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! » (1 Tm 6,11). Le ciel est à nous. Il suffit d’aimer. « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour » disait saint Jean de la Croix. Seigneur, apprends-nous à aimer !