homélie du 27e dimanche B, 7 octobre 2018

Je voudrais{joomplu:206} partir aujourd’hui de toutes les choses formidables que l’on dit sur l’homme et la femme dans ce beau récit de la Genèse. D’abord, cette constatation que l’homme est seul, qu’il ne trouve rien qui lui corresponde dans le monde des choses et des animaux. Il est seul, parce qu’il possède une intériorité qu’aucun autre être ne possède. La richesse de toute personne humaine est unique.

Alors, pour partager cette richesse, Dieu crée la femme, le seul être qui correspond à l’homme. Et il ne la crée par à partir de rien, comme une nouvelle espèce, mais à partir du côté de l’homme, pour qu’homme et femme soient « côte à côte ». Ils ont un côté commun, ils sont adaptés l’un à l’autre, ils sont un complément nécessaire l’un de l’autre. Comme le soulignait saint Augustin, « Dieu ne les a pas créés séparément puis réunis comme des étrangers, mais il a tiré la femme de l’homme, scellant leur invincible unité dans cette côte dont la femme a surgi. Unis côte à côte, ils marchent ensemble et ensemble scrutent un même horizon. » (Saint Augustin, Du bien du mariage, I,1)

Que se passe-t-il lorsque l’homme est devant la femme ? Il s’émerveille. Non pas d’un regard de convoitise, comme on le connaît trop aujourd’hui, mais d’un regard de reconnaissance et d’émerveillement. Et il y a plus encore, caché dans le texte hébreu. C’est quand l’homme reconnaît la femme qu’il se comprend lui-même comme homme. On voit cela par l’apparition de ces deux nouveaux mots : ishsha/ish (v.23). L’homme sait qu’il est homme (ish) à partir du moment où il a reconnu la femme (ishsha). Ce n’est pas la femme qui doit revendiquer devant l’homme et l’homme devant la femme, mais au contraire c’est à l’homme que revient de promouvoir la véritable féminité (pas la féminité à la mesure de sa propre convoitise) et à la femme de promouvoir la véritable masculinité. C’est bien inspirant pour notre temps troublé.

Ensuite le récit parle aussitôt de la vocation au mariage : quitter son père et sa mère, les relations essentielles qui nous ont fait exister, pour s’engager envers sa femme et ne faire qu’une seule chair, c’est-à-dire se donner complètement l’un à l’autre, âme et corps. Après on dira encore que l’Église a un problème avec la sexualité !

Vous savez bien que ça n’a pas continué comme cela, que l’adversaire de Dieu et des hommes, qu’on a appelé d’un nom commun, « adversaire », « satan » en hébreu, cet adversaire a voulu attaquer le projet de Dieu et le démolir, en transformant l’amour en convoitise, en domination de l’homme sur la femme, en séduction de la femme envers l’homme.

Alors Moïse a fait pour un mieux, il a inventé une loi pour encadrer le divorce, pour limiter les dégâts. Mais le Christ n’a pas voulu en rester là. Il dit qu’avec lui on peut surmonter la dureté de nos cœurs et revenir à ce que Dieu avait imaginé pour l’homme et la femme. C’est ainsi qu’il fonde le mariage chrétien indissoluble, un engagement pour toute la vie, une fidélité à l’image de sa fidélité à lui. Les époux chrétiens sont au milieu de nous la marque de la fidélité de Dieu qui ne reprend jamais son alliance. Ils ont reçu cette mission dans le sacrement de mariage.

Aujourd’hui il y a beaucoup de baptisés qui vivent leur mariage dans la difficulté, à cause de la dureté du cœur humain. Ils s’imaginent même que leur mariage se termine avec une séparation. Mais en réalité ils peuvent continuer d’accueillir la bonne nouvelle du mariage, en renouvelant leur façon de vivre. Le Christ invite à vivre d’une manière nouvelle parce que le premier mariage, s’il est valide, dure toujours et est toujours à regarder, à honorer, quel que soit ce qui lui est arrivé. Cela peut paraître un fardeau, une souffrance inutile, mais celui qui regarde en profondeur découvre que c’est une façon de collaborer à remettre l’espérance dans le monde. Le dernier mot n’est pas « à quoi bon, il/elle est parti, partie », mais : le Père nous a unis et il est fidèle, alors je ne vis pas comme si il avait tout effacé.

Et en définitive, que l’on soit marié ou pas, que l’on puisse se marier ou pas, que l’on soit heureux en mariage ou pas, ce qui compte plus que tout c’est de vivre sa vie uni de plus en plus à Jésus Christ. Une union du cœur, une union de tout notre être, de tout notre élan. Une union qui n’a pas peur de souffrir si c’est par amour. Car dans le monde, aimer procure en même temps les plus grandes joies et les plus grandes souffrances. Regardez ce qui est arrivé à Jésus : celui qui aime va souffrir, parce que le satan est venu mettre le bazar dans le monde. Mais à la fin, c’est le Christ qui est vainqueur, à la fin, ce sera la lumière qui brillera sur tous nos visages, comme dit l’auteur de la lettre aux Hébreux : il convenait que le Père mène à sa perfection, par des souffrances, son Fils qui est à l’origine du salut de ses frères pour en faire une multitude de fils glorieux (He 2,10). Courage, amis du Seigneur ! Portez l’évangile dans votre cœur ! Avec le Christ vous remporterez la victoire sur tout le mal.