homélie du 4e dimanche C, 30 janvier 2022

{joomplu:183} Jésus n’est pas accueilli pour qui il est à Nazareth. Les gens de Nazareth sont fermés. Ils n’imaginent pas que Jésus soit plus que le gars du village qu’on a toujours connu. C’est une tentation qui existe aussi dans l’Église. Prendre Jésus pour un gars bien, un sage, l’inspirateur d’un mode de vie sympathique, mais pas plus. Pas le bien-aimé de nos cœurs, pas le Sauveur, pas celui après qui nous courrons comme les gens de Palestine courraient derrière lui. Faut quand même pas exagérer ! Et qu’est-ce que les autres vont penser de nous si nous sommes toujours à l’église, si nous disons en public que nous prions, si nous nous montrons attachés de tout notre cœur au Seigneur plus qu’à nulle autre personne, et que le temps passé à chercher le cœur de Dieu est plus important que tous les autres loisirs et occupations utiles ? Même entre chrétiens ce n’est pas facile de prendre publiquement Jésus au sérieux.

Les gens de chez nous ont encore une autre raison que ceux de Nazareth d’être fermés au Seigneur Jésus. Ils sont les héritiers d’un monde qui dit : nous, on a pas besoin d’un Sauveur, on se sauve nous-mêmes. L’homme contemporain est seul devant tous les défis de sa vie. La bonté de Dieu a disparu de son horizon. Il ne peut espérer que ce qu’il est capable de se procurer lui-même. Pas étonnant si nous nous sentons à l’étroit dans un tel monde.

Heureux ceux qui bravent l’étroitesse de cet univers de la culture occidentale ! Heureux ceux qui osent accueillir la vie même quand elle vient comme on ne l’attend pas ! Heureux ceux qui savent être présents tout près d’un malade incurable d’une façon si aimante que celui-ci cesse de penser qu’il est un poids pour les autres ! Heureux ceux qui viennent au secours des personnes pour lesquelles tout le monde dit : qu’est-ce qu’on peut encore faire pour eux ? Heureux ceux qui mettent Dieu à la première place et résistent à l’érosion des flots d’indifférence à Dieu qui inondent le monde !

Mais qui nous donnera de vivre ainsi ? C’est Jésus le Sauveur. Lui seul peut nous donner la force, l’audace, la bonté, la patience. Jésus, apprends-nous à aimer comme toi ! Les événements de notre vie nous apprennent que sans Jésus nous ne pouvons pas tenir. Bien sûr, au début nous essayons d’être une bonne personne par nous-mêmes. Mais, si nous voulons bien être lucides, nous comprenons vite que ce n’est pas possible. Ne renonçons pas cependant à vouloir devenir meilleurs. Mais cherchons à le devenir en comptant sur le Seigneur plus que sur nos efforts — même si les efforts seront toujours indispensables.

L’Écriture aujourd’hui nous parle aussi de la vocation de Jérémie. Voilà cet homme institué prophète dans une époque difficile, où les dirigeants politiques se fourvoient mais n’acceptent aucune remise en question. Dieu l’envoie pour avertir, pour secouer. « Tu diras contre eux tout ce que je t’ordonnerai. Ne tremble pas devant eux, sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux. » (Jr 1,17) Quelle parole terrible ! Je pense à la mission prophétique que Dieu donne aujourd’hui encore à son Église. Qui, dans l’Église, a le courage et la liberté de parler aux puissants au nom du Dieu de vie ? Prions pour tous ceux à qui le Seigneur demande cela. Prions pour les hommes et femmes d’Église qui doivent parler dans les médias, qui doivent interpeller les politiciens ! Prions spécialement pour les évêques, de notre pays et d’ailleurs, et pour le pape ! Soyons solidaires de ceux qui disent une parole difficile à entendre ! N’espérons pas que l’Église dise des paroles qui mettent tout le monde d’accord. Ce n’est pas possible. Jamais Jésus n’a parlé ainsi.

Je parlais de l’interpellation de la société, mais il y a aussi les paroles que nous sommes appelés à dire autour de nous : les parents à leurs enfants, chacun à ses amis, ou à tel parent… Celui qui a appris que sans Dieu il ne pouvait rien faire ni devenir quelqu’un de bien, celui-là pourra encourager les autres et les interpeller sans être un donneur de leçons. Car on n’a pas besoin de donneurs de leçons, mais pourtant on a besoin de gens qui nous bousculent pour ne pas rester enlisés dans nos travers. Je crois que les interpellations de quelqu’un qui a compris que sans Dieu on ne peut devenir vraiment meilleur seront plus faciles à accepter. Du moins par les personnes humbles. Pour les orgueilleux, on ne peut de toute façon rien faire. C’est terrible mais les orgueilleux passeront toute leur vie à côté du Sauveur, et même à leur mort ils risquent de ne pas l’accepter. Seigneur, préserve-nous de l’orgueil !