« Puisqu’ilone of us logo manque les fonds nécessaires à la recherche en matière de santé, il sera possible d’utiliser de l’argent sale à cette fin, à condition de ne pas savoir d’où provient cet argent et de ne pas pratiquer soi-même les activités de trafic d’êtres humains, d’armes ou de drogue qui procurent ces fonds. » Voilà l’esprit de la réponse que la Commission européenne a adressée à l’initiative « One of us » qui avait recueilli près de 2 millions de signatures dans l’Union européenne.

Les arguments pour refuser que l’embryon humain soit considéré comme l’un de nous

La Commission imagine tous les bénéfices qu’apportera au traitement de nombreuses maladies l’utilisation d’embryons humains. Bien qu’aucun traitement de ce genre ne se profile à l’horizon (j’espère qu’il y en aura qui auront le courage de résister à ces traitements afin de ne pas guérir à n’importe quel prix), on y croit, on s’en convainc par toutes sortes d’incantations, depuis au moins 10 ans, et l’industrie pharmaceutique met la pression qu’il faut.

C’est pourquoi la Commission dit que l’Union peut financer des recherches utilisant des cellules souches provenant de la destruction d’embryons humains, du moment que les chercheurs financés ne les détruisent pas eux-mêmes mais bénéficient de lignées déjà constituées (voir p.4-6 et 29 du rapport ci-joint). C’est ce raisonnement d’autruche qui a valu la phrase introduisant mon article. Mais la Commission dit que c’est responsable et raisonnable…

De la même manière la Commission défend l’intervention de l’Europe dans le financement international de l’avortement, puisque 287 000 femmes sont décédées dans le monde en 2010 des suites d’une grossesse et qu’un moyen de réduire ces décès est d’interrompre les grossesses (p. 10 du rapport). En 2010, 44 000 femmes sont mortes d’un avortement peu sûr, c’est pourquoi il semble important à beaucoup que l’avortement soit accessible partout dans le monde comme chez nous, afin d’obtenir un nombre d’environ 40 à 50  millions d’avortements sécurisés dans le monde chaque année.

Aider à l’avortement sécurisé permettra aussi de rencontrer les objectifs du Millénaire en matière de diminution de la pauvreté (j’imagine que c’est vrai puisque cela permettra aux notamment aux femmes pauvres d’enfanter moins d’enfants pauvres) ; c’est aussi le raisonnement de ceux qui entraînent la fondation Bill Gates à promouvoir la diffusion de l’avortement dans les réunions sur le développement, quoi qu’elle s’en défende1, spécialement dans les pays d’Afrique noire où le taux d’avortement de 13 pour mille est décidément trop bas par rapport à la moyenne mondiale.

Tant la Commission que la fondation Gates2 invoquent le mythe selon lequel le recours massif à la contraception permettra de diminuer les avortements puisque les femmes n’auront plus que des enfants désirés. Pourtant on observe dans nos pays où la contraception est très accessible que le nombre d’avortement continue d’augmenter lentement (16 024 avortements en Belgique en 2004, 18 870 en 2009, 19 578 en 2011, sans compter l’augmentation de l’utilisation de la pilule du lendemain)3. Il faudrait quand-même un jour reconnaître que l’éducation sexuelle ne passe pas d’abord par la contraception et les MST. Elle est la formation à un amour vraiment humain et responsable plutôt que pulsionnel et éphémère.

Cessez donc de parler des sujets qui dérangent !

Ces sujets sont difficiles, et il n’y a pas de solution simple. Mais comment éviter même qu’on en débatte et qu’une initiative citoyenne comme One of us arrive sur la table du Parlement européen ? Il suffit de la court-circuiter avant. C’est ce qu’a fait la Commission en balayant d’un revers de main la proposition de débat démocratique.

Un mécanisme semblable de confiscation du débat démocratique se passe autour du Traité transatlantique (TTIP)4, traité ultralibéral qui se prépare de façon implacable entre la Commission européenne et le Gouvernement étasunien. Ce traité confierait le contenu des normes aux firmes privées, limitant les droits des parlements à légiférer. Il permettrait par exemple aux multinationales de porter plainte contre un État, à la manière dont Philip Morris attaque l’Uruguay et l’Australie pour des lois antitabac qui lui sont défavorables. Le TTIP avance à l’abri des médias et de l’opinion publique, comme on a pu le voir il y a quelques semaines dans le silence médiatique autour de l’arrestation de 250 citoyens manifestant à Bruxelles leur opposition au traité5. Cela n’est pas sans rappeler le silence médiatique total sur les 3000 marcheurs pour la vie en mars.

Mais pendant ce temps des décisions se prennent

Voilà, je voulais juste vous dire qu’il y a plein de choses qui se décident dans notre dos, non pas dans un dialogue où on échange des arguments mais dans des négociations où on défend des intérêts ou des pseudo-évidences. Tantôt ce sont les bénéfices de l’industrie pharmaceutique qui mènent la danse, tantôt d’autres multinationales, tantôt c’est l’idée qu’un fœtus de 10 ou 12 semaines ce n’est pas grand-chose, qu’en tous cas la dignité humaine ne s’applique pas à lui, mais pour quelle raison puisqu’il a tout ?


1Voir sur le site de C-Fam ou celui de Woman Attitude.

2Sur la fondation Gates, on peut aussi lire info-resistance.

3Voir par exemple Le Soir. Voir aussi les études de Nathalie Bajos.

4Quelques infos sur cette vidéo ou sur celle-ci.

5Voir ici.